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Le Figaro, 12 avril 1896

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Le Figaro
12 avril 1896


Extrait du journal

clamé impérieusement l'amour libre, comme si personne l'empêchait d'êtreaimé! La théorie, en tout cas, n'est pas nouvelle; et M.'Robin la tient de famille; elle était, en effet, il y a' bien longtemps déjà, préconisée, et même pratiquée par son illustre aïeul, Robin des Bois. Le sexe fort s'est donc montré plutôt faible dans la circonstance, ôt il n'a été convenablement représenté que par no tre confrère Jules Bois dont une Anglaise a dit quand il descendait de la tribune : — Je ne suis pas' du tout de l'avis de l'orateur, mais je ne puis„pas nier qiJL'il soit bien de sa,personne... C'est là, déjà, entre un sexe et l'autre, un excellent terrain d'entente, et l'on arrive (toujours à: s'accorder quand on sait se faire de ces concessions. Car s'il fallait donner finalement un avis sur cette manifestation féminine qui est, en somme, très intéressante, on n'aurait d'autre reproche à lui faire que d'avoir été un peu touffue, un peu confuse, et surtout d'avoir présenté ses revendications non pas comme des conquêtes,, mais comme des revanches. Revanches sur l'homme évidemment, qui devient l'ennemi, dès l'instant où la loi l'impose comme ami. On sait le mot charmant, d'une mélancolie si profonde, de la fille d'un de nos plus grands dramaturges, fiancée à un homme qu'elle connaissait depuis l'enfance. La veille du mariage, dans leur villa du bord de la mer, elle s'était réfugiée sur la ter rasse et, soucieuse, elle rêvait aux étoi les. Le jeune homme accourut, et, tout inquiet, l'interrogea tendrement : — Qu'avez-vous, ma bien-aimée, et pourquoi donc êtes-vous si triste ? —Parce que, répondit la jeune fille, je vais perdre en vous mon meilleur ami !... Il faut pourtant bien, quoi qu'en pense M. Robin, essayer de vivre, même dans le mariage : on a tout le temps pour cela. La femme a, dans la société, la première place, et dans là loi la derrière ; c'est que c'est l'homme qui fait la loi, et la. femme qui fait la société.. On peut s'entendre. Le malheur est que, jusqu'ici, l'es femmes qui s'insurgeaient portaient lunettes, étaient savantes ; elles ressemblaient trop à des hommes, ce qui reridait leur position, moins intéressante. Aujourd'hui que le.mouvement se géné ralise, il en faudra tenir compte ; le rêve de la femme, autrefois, tenait en un seul article : porter culotte. La. bicyclette l'a çn partie réalisé, .mais je programme s'est étendu depuis/èt il reste encore beaucoup à faire. . ' ' :'***' ' : ' C'est uné question de mœurs, et il y faut, dè part et d'autre, mettre -du sien. On conçoit que de braves bourgeoises* voyant, en .pays étrangers, des femmes régner sur de grands' peuples, se deman dent pourquoi, chez elles, on leur refuse le droit d'être électeurs ou éligibles. Il est clair que si la femme, en France, pouvait s'élever jusqu'au ministère, il tomberait des sphères officielles de plus jolis mots que celui de M. Mesureur. Mais on doit tenir compte des habitudes d'un peuple, et ne pas lui demander de tout changer à la fois; encore aujourd'hui, chez nous, la majorité des hommes n'admet pas que les femmes apprennent le latin, à moins que ce ne soit pour braver l'honnêteté, et quand on dit d'une Fran çaise qu'elle est doctoresse, c'est un peu "comme si l'on disait d'un'Français qu'il est sage-femme. Il faut donc faire un pas l'un vers l'au tre ; c'est la loi de nature, plus forte que les décisions d'un Congrès. On a, dès le début de la discussion, réservé pour la fin, comme trop complexe, la question de l'enfant. On a eu tort : posée au seuil même du Congrès, elle eût été symboli que, indiquant à chacun sa vraie voie, le seul chemin des concessions nécessai res et de l'entente inévitable. L'enfant, ce pauvre être inconscient, simple mor ceau de chair, presque sans corps et presque sans âme, porte en lui, d'ins tinct, plus que les savants par leurs rai sonnements, plus que les Congrès par leurs discussions, la solution de cette question sociale. Il ressort de ces débats qui vont s.e terminer, qu'il faut, pour atteindre un résultat sérieux et cordial, la fin de cette petite guerre entre les deux sexes, le rapprochement de l'homme et de la femme: l'enfant, quand il est né, l'amène le plus souvent, et pour naître, il ' l'exige toujours! Le Passant....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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