Extrait du journal

-soirs d'une Une Noua étions tout à l'heure quelque deux cents voyageurs qui descendîmes, grelottants et ahuris, d'un train très poussiéreux et très long. Il nous ramenait d'une traite de Cannes. On nous reitardait avec un peu. d'ironie et beaucoup de 'Pitié comme on regarde des gens qui n'ont pas réussi. Nous étions lés épaves de la bataille de Cannes ceux qui avaient couvert oourtant la retraite. et qui ramenaient, à défaut des armes, les bagages. Appareils cinématographiques et photographiques, machines, à écrire ily avait aussi d'illustres personnages MM. Lloyd Georges, Theutas, des ambassadeurs japonais, des diplomates français, les détachements le régiment du grand reportage et notre bataillon de rédacteurs de la politique étrangère. Il y avait aussi, tout au bout du convoi, un grand wagon sombre, sombre comme un wagon cellulaire, sur lequel on pouvait lire en grosses lettres blanches « Schlafwagen ». De ce wagon mystérieux sortit un homme hautain et rigide ganté de beurre frais et suivi d'une douzaine de messieurs coiffés de chapeaux melons et die quatre jeunes filles blondes comme du blé mûr, • M. Rathenau, ses collaborateurs et ses dactylographies étaient du voyage. Ah cette dernière journée de la Conférence, ce. départ dans la nuit, dans le froid les soirées sont glaciales sur "la Côte d'Azur. On en sourirait volontiers, maintenant que la stupeur et, disons-le, l'irritation qu'avait provoquées au premier moment* le coup de théâtre sont dissipées on en sourirait s'il ne s'agissait après tout d'événements autour desquels se jouent les intérêts de la France et la tranquillité de l'Europe. Figurez-vous une maison remplie d'invités, les violons accordés, le souper servi, et brusquement l'amphitryon disparaissant et, quelques instants après, sa femme, son' fils ou son frère, bref son remplaçant prenant à son tour bâtivement la porte avant le dessert. Représentez-vous la tête des convives, leur inquiétude, leurs réflexions. « Revien-. dront-ils ? Ne -reviendront-ils pas ? '-figurez-vous, enfin, rembarras des 'amis, l'affolement du personnel, et ,dites-vous que. la maîtresse de maison c'était la France! Dieu merci, l'amabi'lité et le tact de M. de Laroche, direcleur adjoint des affaires, politiques au quai d'Orsay, réussirent à atténuer cette fâcheuse impression dans une certaine mesure puis la bonne humeur, dans un pareil décor, finit par reprendre ses droits....