Extrait du journal

Nulle part, comme dans les pays ri"ches d'histoire ou de légendes, la sensibilité intime du voyageur ne saurait se mêler plus étroitement aux traces des aventures disjointes, et M. Etienne' Bricon, qui publie sa Promenade au pays des déesses en un volume imprimé avec splendeur comme .un objet d'art, au frontispice duquel s'entrelace, en un poème autographe, l'écriture singulière de la comtesse de Noailles et que colorent les aquarelles éclatantes et fraîches du regretté Siméon, se révèle, dans ses notes de route à travers la Grèce et l'Italie, aussi attentif aux impressions du dehors que vibrant de vie intérieure. Son petit livre me semble, de ce fait, tout plein de charme et de mélancolie. Le charme, l'auteur l'a puisé le long des clairs paysages qu'il a visités sa mélancolie, elle, me paraît surtout faite du regret d'avoir à rappeler des heures vécues. Car dans notre âme, mystérieuse comme la substance du monde, les faits éclatants d'autrefois sont les frissons d'aujourd'hui. Le temps y distille lentement, mais sans. arrêt, les incidents de notre vie. Nos joies s'y transforment en mélancolie, nos peines en de subtils regrets et ce sont des rêveries suaves qui marquent nos ardeurs érotiques de jadis. Tous les tumultes de notre passé acquièrent ainsi en nous; là longue, une inconsistance pareille à' ces écharpes de buée, irisées et fuyantes, que laisse dans l'espace qu'il a violenté, un .orage passager et brutal....