Extrait du journal

AU J0URJ.E JOUR U est amusant de voir depuis trois jours les épiceries parisiennes assiégées par les ména gères prévoyantes, les journaux nationalistes ayant réussi, à propos du premier mai, à pro pager une panique plus profitable aux mar chands de comestibles qu’à la cause réaction naire. Il résulte d'informations officielles que le gouvernement a l’absolue conviction qu’aucun désordre grave ne se produira le premier mai. D’ailleurs rien ne permet de croire qu’il doive survenir sur un point quelconque de Paris ou de la France le moindre trouble. Ce sera donc en vain que la presse réaction naire aura répandu comme à plaisir à travers la capitale et le pays de faux bruits et de fausses rumeurs, pour affoler une partie de la population et provoquer un simulacre de guerre civile. Nous sommes sûrs que les travailleurs cons cients de leur rôle et de leur avenir montre ront plus que tout le monde le souci d’éviter des bagarres, dont ne pourrait résulter qu’une perte de popularité pour leur cause. Ils auront à se méfier des concours plus ou moins louches, plus ou moins compromettants, que leur préparent par dessous main les natio nalistes. Ce qui ressortira le plus clairement et, je l’espère, définitivement aussi pour la province, de la panique préparée et soigneusement en tretenue dans la capitale, c’est la vue courte et sotte, l’état d’esprit apeuré et instable de ce qui compose le fond de la population pari sienne. Ceux qui aujourd’hui s’effraient outre me sure, s’approvisionnent, ou prennent le train, ou envoient leurs capitaux à Bruxelles, sont les mêmes qui marchaient derrière Boulanger, épousaient — ensuite — le nationalisme, et, lors des inventaires, aspiraient à un héroïsme facile sur les portes des églises. C’est contre cette population nerveuse et efféminée, toujours prête à la peur et à la rage puériles, que vota la province française il y a quatre ans. C’est contre elle et contre son es prit de panique, de désordre et de coup d’Etat qu’elle votera encore, proclamant ainsi la sou veraineté des campagnes et des villes provin ciales. Jacques Bonhomme....