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Le Temps, 1 mai 1900

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Le Temps
1 mai 1900


Extrait du journal

— Mais non, monsieur le curé, je n’ai pas le moindre doute, je vous assure, répliquai-je en souriant. Sa figure devint plus sombre, et l’on sentait que sa conviction était si intense qu’elle lui pa raissait irrésistible, et qu’il s’étonnait vraiment de ne m’avoir pas encore ramené. Un mouve ment nerveux agita sa lèvre inférieure et sa mâchoire saillante, dont la barbe n’étaitpas faite depuis quelques jours et où des poils grison nants, très drus, remûaient comme des me naces. — Ainsi, vous croyez pouvoir tout expliquer par vos lumières, vous savez tout? — Oh I je vous en prie, monsieur le curé, ne discutons pas. Deux voyageurs, venant de con trées lointaines, tout a coup mis en contact, n’essayeraient pas plus vainement de commu niquer ensemble. Nous ne parlons pas, vous et moi, la même langue. Car les mots les plus sim ples,les plus familiers à tous ont, en dehors de la définition officielle, un tel prolongement de sens dans l’éducation, et les souvenirs, dans le tempérament, dans l’habitude de chacun, que, la plupart du temps, nous n’arrivons pas même à admettre la sincérité d’opinions contraires aux nôtres, tant elles nous semblent absurdes et injustifiables. Devant le ton modéré de mes paroles, leur assurance tellement tranquille qu’elle devait lui en paraître hautaine et dédaigneuse, le visage du prêtre se ferma plus encore, une expression d’hostilité y passa. — Je suis sûr, ajoutai-je, que, vous-même, vous ne pouvez vous expliquer mes paroles que par un monstrueux excès d’orgueil. — Ah! oui, certes, orgueil, orgueil! s’écriat-il d’un accent dur. Et que vous donnent ces prétendues certitudes dont vous êtes si fier et auxquelles vous tenez tant. Etes-vous heu reux? — Je pourrais l’être davantage. Il eut un air de triomphe. — Mais je le serais moins encore avec votre croyance. Car elle n’est pas consolante, en vérité. Il me regarda effaré. Si je note, d’ailleurs, ces détails sans intérêt, de notre entretien, c’est parce qu’ils en ont amené et parce qu’ils en ex pliquent l’éclat final. — Voyons, repris-je, la souffrance univer selle ne vous touche-t-elle donc pas? N’y a-t-il pas un point de vos nerfs où elle vienne frapper et retentir, et n’avez-vous jamais senti votre être vibrer sous elle comme un écho ? Mais que promet votre foi ?_Le gouffre, pour la plupart....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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