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Le Temps, 7 août 1914

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Le Temps
7 août 1914


Extrait du journal

Les .Chambres ont voté mardi divers projets de lois utiles à la; défense nationale.Parmi eux il en est deux qui concernent la circulation fiduciaire en France et touchent ainsi à la vie économique du pays entier. L’un d’eux établit le cours forcé des billets de banque. L’autre élève à 12 mil liards le maximum d’émission de ces billets. Quelques indications ne seront peut-être pas inutiles pour préciser le sens exact et la portée de cette double décision. , En tout temps, les billets de la Banque de France jouissent du cours légal, c’est-à-dire qu’ils sont assimilés, pour tous les payements, à la monnaie d’or ou d’argent. Mais .ils n’ont pas cours forcé, c’est-à-dire que leur rembour sement en espèces métalliques est toujours exigible de la Banque de France. La déclara tion du cours forcé supprime T obligation du remboursement des billets en espèces par la Banque. Quand les circonstances sont normales, la Banque de France n’éprouve nulle difficulté à rembourser à vue ses billets. Les échéances des effets de-commerce et des créances cou rantes viennent renouveler incessamment les ressources de la Banque. Ce sont des rentrées constantes, certaines, alimentant toutes les opé rations, permettant de faire face de la façon la plus simple du monde aux "demandes de remboursement que formuleraient des por teurs de billets,, s’il venait à se produire de telles demandes. Mais pourqüqi s’en produi rait-il? Chacun sait parfaitement que la valeur in trinsèque du billet de banque est faite de toute la valeur cumulée des effets de commerce de premier ordre et à très brève, échéance, des créances diverses à court terme et de l’encaisse métallique que détient la Banque de France, et en représentation desquels les billets ont été émis. La mobilité ou la nature des gages est telle qu’aux yeux de tous le billet vaut de l’or. Au 23 juillet dernier, avant l’agression alle mande, la Banque de France avait émis pour 5 milliards 912 millions de billets, mais elle possédait une encaisse métallique totale de 4 miliards 744 millions, dont 639 millions et demi en argent et 4 milliards 104 millions et demi en or. Elle avait en outre — pour ne par ler que des effets de commerce — un porte feuille, de 1,540 millions et demi. On sent si l'engagement de rembourser à vue les billets de banque pouvait, dans une mesure quelconque, préoccuper qui que ce fût. La situation s’est trouvée brusquement chan gée. D’une part, redoutant d’avoir, à subvenir à d’importants retraits de fonds, les grands éta blissements de dépôts se sont empressés de réescompter à la Banque.de France une partie de leur portefeuille. Ce portefeuille, constitué par des effets de çomiperce de .tout repos, 'suffit lui aussi en temps normal à tous les ..besoins des établissements. Là encore, les échéances successives font leur œuvre de renouvellement continu des ressources, Qu’on y joigne la fa culté de réescompte à la Banque de France, on aura une idée de la puissance et de l’élasticité du système. Un chiffre .les mettra en évidence : dans la seule période du 23 juillet au 30 juillet, le portefeuille commercial de la Banque de France, en raison des réescomptes, nouveaux, s’est accru de 902 millions et demi. Il est par venu à 2 milliards 443 millions. En principe, rien que de très régulier dans cet accroissement. Mais d’autre part, on s’est heurté alors à une clause des plus fâcheuses, celle qui limite à 6 milliards 800 millions le droit d’émission pour les billets de banque. Au moment précis où il eût fallu que le crédit gé néral eût le plus de souplesse, la stipulation du maximum d’émission a coupé tout crédit. Au 30 juillet dernier, la somme des billets en circulation avait atteint déjà 6 milliards 683 mil lions. La Banque de France ne disposait plus que d’une réserve de billets infime : 117 mil lions en tout et pour tout. Il lui restait sans doute la possibilité de puiser à-son encaisse; au 30 juillet, celle-ci atteignait 4 milliards 766 millions et demi, com prenant 625 millions d’argent et 4 milliards 141 millions et demi d’or. Du 23 au 30 juillet, l’encaisse en or s’était donc encore fQrtiûée de 37 millions. Mais on s’explique le scrupule qu’a dû éprouver la Banque à se démunir de cette sorte de ressources. En conséquence, faute de pouvoir continuer à délivrer des billets en échange d’effets de commerce excellents, elle était condamnée à élever de plus en plus la barrière qu’oppose aux réescomptes le taux de l’escompte. Et comme, en de tels moments, il n’est guère barrière de ce genre qui tienne (la Banque d’Angleterre a dû porter son taux jus qu’à 10 0/0), l’arrêt des opérations de la Banque devenait fatal; puis, de proche en. proche, les réescomptes étant suspendus, les sociétés de depots ,se voyaient exposés à ne plus pouvoir ni faire face à leurs engagements, ni à plus forte raison en contracter de nouveaux. Le moment n’est pas venu de tirer de cette crise les enseignements qu’elle comporte. La civilisation moderne, avec l’admirable solidarité des intérêts qui en est la marque-et l’orgueil, est faite manifestement non pour les surprises ruineuses dé la guerre, mais pour" les combi naisons fécondes de la paix. Les harmonies économiques qu’elle développe ne peuvent ces ser brutalement sans de vastes cataclysmes. Le crime allemand est certes contre la France, mais il est aussi, contre la civilisation ellemême, contre le progrès économique et social. En attendant les revanches du droit, il faut vivre, pour les mieux assurer.Des mesures tran sitoires sont nécessaires. Le pays ne peut pas être laissé sans moyens d’échanges. La guerre implique, en outre, une large consommation dé capitaux. Les réserves métalliques de la Ban que de France étant à sauvegarder tout d’abord, une . émission de billets est indispensable. La quelle? Il est impossible de le prévoir. On eût pu abolir tout maximum d’émission; pendant la paix, cette abolition serait la solution vraie. Il a paru sage, et il est bon effectivement de maintenir, au moins jusqu’au moment du réta blissement de la circulation normale, une limite qui, fixée assez loin des besoins actuels, a chance de ne pas rester une gêne, tout en deve nant une garantie. Le chiffre de 12 milliards répond suffisam ment à cette double condition. La proportion qu’il accuse, par rapport à la seule encaisse en or, ressort au triple de cette encaisse. Ce serait une proportion toute naturelle en d’autres temps. Pendant la guerre de 1870-1871, le billet de banque., à cours forcé, fit nrime. tant le retour...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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