Extrait du journal

cle de suffisante clarté avance avec nous, si bien •que ce bloc solide, cette épaisseur compacte, quand on la traverse, s’évapore en vague fur mée. De même, le malheur le plus terrible de vient supportable à l’épreuve, parce que l’âme y trouve toujours une transparence pour pou voir espérer au travers, et puis parce qu'il se répartit entre tous les instants de sa durée, et qu’on ne souffre jamais qu’un moment à la fois. Cependant, je m’étais avancé vers le bois et je suivais un sentier qui en longeait extérieure ment la lisière, lorsque j’aperçus sous les arbres, se mouvant dans la verdure, une .grande robe noire, que je reconnus être la soutane du curé, l’abbé Lehec. Il m’avait aperçu aussi et, avec quelque gêne, ne sachant comment se compor ter avec moi, il regardait droit devant lui, pour se donner le temps de la réflexion et voir venir. Sa gêne m’inspira un commencement de cette pitié si facile à émouvoir en moi. Il avait du regret, me semblait-il, à penser que nos croyances ou nos sentiments n’étaient pas d’ac cord, peut-être même,s’il avait réfléchi, depuis, sur le faitqui avait provoqué la révélation de ce dissentiment, était-il à se demander qui, vrai ment, de nous deux, pouvait avoir raison. Il me paraissait voir, en effet, dans son altitude em. barrassée, une sorte de reconnaissance d’erreur possible chez lui ; un homme de son caractère eut ignoré la contrainte avec quelqu’un qu’il aurait jugé en faute et lui eût plutôt marqué de la.froideur et de la sévérité. •• Je m’abusais pourtant en conjecturant ainsi. Sous l’impression de cette pitié et aussi parce que j’étais heureux, pour lui épargner une plus longue hésitation à chercher s’il devait ou non, passant à ma hauteur, avoir l’air de me recon naître, dès qu’il fut à une distance convenable, je le saluai; du coin-de l’œil il vit le mouvement, il obliqua aussitôt do mon côté et il vint à moi, -le chapeau à la main, avec empressement. Après s’être informé de ma santé et de celle de mes parents: — C’est hier, sans doute, demanda-t-il, que vous êtes rentré de Paris? J’ignorais qu’il sût mon absence. 4 — Ayant eu l’occasion d’apprendre l’indispo sition de madame votre mère, ajouta-t-il, je suis allé immédiatement prendre de ses nou velles, et monsieur votre père m’a fait savoir qu’il vous avait fallu retourner à Paris pour quelques jours. Votre retour a dû leur procu rer, à tous deux, une grande joie, car ils pa raissaient très inquiets à propos de votre voyage....