Extrait du journal

Un Miracle Il s'était adressé à des spécialistes éminents, sans résultat. Jeune encore, suffisamment renté, d'un physique, agréable, il lui fallait renoncer à toutes les joies qui sont à la portée des bourses bien garnies. Les hommes, les femmes et les remè des n'y pouvaient rien. Un théatin auquel il avoua sa misère, attribua son cas à la sécheresse dont 1g» ciel afflige les mécréants, et lui con seilla de recourir aux macérations. Gomme il avait reçu, grâce à Dieu, une éducation chrétienne, ce retour aux fois de son enfance s'accomplit sans violente secousse. Même il accepta la nécessité d'un voyage à Lourdes en train de pèlerinage, trente-six heures de siège sur le bois, dans un mauvais wagon de troisième, — car le théatia lui avait particulièrement recommandé le bon effet de cette mortification. Le voyage fut pénible, interminable. Les voitures se trouvaient au grand complet, — dix personnes par compar timent, — des pèlerins des deux sexes, et des ecclésiastiques corpulents qui tenaient trois places. Alternativement les Enfants de Marie chantaient ou ré citaient le rosaire. Ils s'agenouillaient face contre face, ventre contre ventre, dans la ruelle du wagon, et, aux aiguil lages, par la secousse, tombaient les uns sur les autres, en tas. Ces pieux exercices abrégèrent la lenteur du voyage, et lorsqu'enfin le chemin de fer le jeta sur le débarcadère de Lourdes, il était si enthousiasmé que, avant de songer à s'assurer un gîte, il emboîta le pas au pèlerinage qui cou rait au sanctuaire, sans débotter. aaa Que de fois il y avait rêvé solitaire ment, à cette petite grotte de vierge, au dehors tapissée de mousse, fraîche en dedans delà fraîcheur savoureuse des eaux vives, la grotte de Bernadette dont les premiers pèlerins, avant d'en trer, baisaient le seuil. Il regrettait cette nudité de la pau vreté première, plus propre à exciter la piété des fidèles que tous les velours, tous les ornements, tous les brocarts, qui maintenant voilaient l'entrée de la chapelle. Mais quand le sanctuaire lui apparut, élargi par le passage des fou les, débordant de parfums rares et mys tiques, — quand il songea à tous ces pauvres membres honteux, languis sants, courbés, qui s'étaiept redressés, plein de vigueur, devant la Viergé mi raculeuse, une immense espérance l'en vahit, et sa foi s'exhalant dans la large effusion d'une oraison jaculatoire, il . bondit sur ses pieds en s'écriant : « — Je suis guéri ! » ... Quand il sortit de la chapelle, la paix du soir tombait sur les montagnes; des étoiles s'allumaient dans la nuit bleue, des clartés dans les rues delà nouvelle et de la vieille ville. Il s'égara dans un dédale de rues...