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Le Figaro, 21 mars 1932

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Le Figaro
21 mars 1932


Extrait du journal

Si les directeurs de théâtres, de cinémas, de dan cings, enfin de toutes les sortes d'établissements où l'on s'amuse par définition, donnent suite à leur projet de mettre la clef sous la porte, il va nous être donné de faire une expérience bien intéressante, et que les moralistes les plus entreprenants n'eussent pas rêvé de pouvoir instituer jamais. Nous allons expérimenter — c'est le mot propre, car il ne s'agit point d'observer passivement un phénomène donné : il s'agit de le provoquer, comme au laboratoire — expérimenter, dis-je, s'il est vrai que, selon un mot célèbre, la-vie serait supportable sans les plaisirs. Ce serait témoigner un esprit scientifique médio cre que de ne savoir pas attendre les résultats de l'épreuve pour se former une opinion ; mais les pronostics ne sont pas interdits. J'avouerai donc que je serais surpris si la boutade que je viens de citer — après tant d'autres, je m'en excuse — se trou vait confirmée par le prochain événement. Ce n'est, en effet, qu'une boutade, qui nous semble encore piquante, parce qu'on nous l'a transmise* de père en fils avec la consigne d'en sourire, mais qui porte terriblement la marque de son dix-huitième siècle, et qui est, au vingtième, bien pis que démodée : elle n'a plus aucune raison .dNstjë. C'est l'aveu de lassi tude d'un oisif complet, et il n'y a. plus d'oisifs complets. On pourrait le regretter s'il n'y avait plus que des esclaves, j'entends des hommes d'affaires, et si le loisir était banni sans recours d'ici-bas ; mais son ombre du moins, ou son idée, y demeure : n'est-ce pas le quatrième état lui-même qui reven dique les trois huit, huit heures de travail matériel, huit heures de sommeil, huit heures de loisir ? A la vérité, on ne fait pas au loisir une part si belle, mais ce n'est pas faute de bonne volonté ni parce qu'on le méconnaît, et on s'arrange comme on peut pour n'en être pas tout à fait privé. L'épicurien qui a dit : « La vie serait supporta ble sans les plaisirs », et qui n'avait que plaisirs dans la vie, aspirait au divertissement tout comme ceux pour qui le divertissement, c'est, au rebours, le plaisir. Le cas de ces derniers a toujours été le plus fréquent, et c'est pourquoi les deux termes, divertissement et plaisir, sont pris pour synonymes par tous les écrivains classiques, notamment par Biaise Pascal. L'auteur des Pensées dénonce en maint endroit le danger du divertissement, de cet « instinct secret qui porte les hommes à chercher l'occupation au dehors et qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. — La seule chose, écrit-il ailleurs, qui nous console

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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