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Le Fin de siècle, 2 août 1903

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Le Fin de siècle
2 août 1903


Extrait du journal

Parisiennes! Elles nous accusent surtout, entre elles, d être des folles parce que la plupart de nous avons fait de l’amour une joujoute au lieu d'en faire une spéculation. Je tiens à croire encore quelles ne sont pas aussi intéressées quelles le disent, et qu’il y a beaucoup de ces jolies perverses, mariées ou non, qui se sont bien plus don nées quelles ne se sont vendues. Sans doute, beaucoup de femmes de fonction naires — l’Etat paie si mal ceux qui le servent — essaient de grossir les appoin tements du mari en plaçant leurs caresses l’après-midi ; je connais beaucoup de petites bourgeoises qui, pour une robe ou un cha peau, se donneraient tant qu’on voudrait; tout de même, il n’y a pas que cela qui les guide, espérons-le, sans quoi elles seraient trop dégoûtantes, les femmes de pro vince. J ai connu une jeune femme, sous-préfète dans un coin de Touraine, qui avait gagné dans son arrondissement la pire réputation. Les uns disaient que c'était une femme politique de premier ordre; mais.les demoi selles que la police surveillait déclarèrent que la sous-préféte leur faisait une concur rence déloyale. Elle trompait son mari avec tout ce qui peut aller danser, l’hiver, dans une sous-préfecture, et se faisait payer le plus cher quelle pouvait, c'est exact; mais quand elle n avait pas de client, il n'est pas douteux que, vu son amour du travail, elle s'employait pour la gloire. C’est ce que son mari ne lui pardonna pas, puisque, l’ayant surprise avec un lieutenant d'infanterie il la saisit par les cheveux en s’écriant : « Malheureuse, que veux-tu recueillir d'une pareille fréquentation? Ignores-tu l’insignifiance de sa solde) » Ce fut un divorce banal qui n’intéressa même pas les journaux du département. Mes chers sœurs, que Dieu vous bénisse ! Vous avez tort, du haut de vos terres pro vinciales de jeter la pierre sur les Pari siennes. Elles ne sont ni meilleures, ni pires que vous-mêmes. Elles vous ressem bleraient beaucoup si elles n’étaient pas plus jolies, plus élégantes, plus spirituelles, plus nettes que vous; et si elles avaient l'hypocrisie qui met dans vos yeux veloutés une vilaine flamme méchante, avec leur esprit, elles passeraient pour être des femmes très honnêtes. Mais elles veulent rester ce qu’elles sont, et ce que vous ne serez jamais, des Parisiennes; vous ne con naissez pas le truc, ci vous ne leur pardon nerez pas cela facilement. yonne de LESPINASSE...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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