Extrait du journal

Lia pnrase ici mise en épigraphe fut cueillie au coin d’un article charmant consacré par M. le sénateur Flaissières aux sapins de Noël. Il arrive aux plus graves pères conscrits d’être de sou riants grands-pères. Pour peu qu’elle soit dans le voisinage d'un berceau, leur âme subit le joug des muses familières, et ils savent alors moduler un noël à l’intention des petits. D’avoir vu, à travers les rues, trans porter les arbres légendaires où seront accrochés, cette semaine, des angelets en sucre et des jouets vernis ; sous le coup du « sentiment religieux trans posé », dont Jaurès a parlé quelque part, M. Flaissières célébra les beautés traditionnelles du 25 décembre et l’utile pérennité des fêtes où nous sommes. Noël chrétien, Noël païen, que lui importe ? Il veut un Noël, ne serait-ce que pour les enfants, un Noël avec son arbre étincelant de lumières, un Noël avec les joies inoubliables que prépare la sollicitude maternelle. Ces joies-là, M. Flaissières a dû les éprouver à l’époque lointaine où la ques tion sociale se résumait pour lui à ce que recevrait d’en haut son soulier mis au coin de l’âtre. Il en a gardé si ten dre souvenir que, près de ratiociner politique, il aima mieux donner à son •journal un article embaumé du parfum des bois pacifiques.: Et les arbres de Noël ont trouvé au Sénat, sur les bancs les plus redoutés, un poète gracieux : Il n’y a que l’amour des enfants pour faire de pareils mira cles ! Ah ! les enfants î Quels puissants créateurs de sympathie ! Quand on a inexpérience de la vie, on n’attend jamais grand’chose des hommes qui ne se distinguent pas les uns des autres à figurer dans des classes différentes o i dans des partis adverses. ' Mais les enfants n’ont eu le temps de décevoir aucune espérance. Ils seront forts et bons, peut-être. Dans tous les cas, ils sont faibles et n’ont, pas fait de mal encore. C’est pour cela qu’on les aime ; c’est pour cela que les sacrés petits sorciers réalisent autour - d’eux la solidarité des classes et la trêve des par tis ; c’est pour cela que M. Flaissières peut écrire un article charmant aux yeux de tous, et tel que ses adversaires politiques mêmes puissent y trouver un enseignement. Or, M. Flaissières a raison de songer que, demain, dans la chaude atmos phère des arbres de Noël, il n’y aura pas de la joie pour tous les enfants. Trop nombreux sont le§ petits êtres qui, déjà sans espérance et privés de foi naïve, négligeront de déposer leur soulier près de la cheminée sans bûche. Noël joyeux des surprises de l’aurore prochaine, tu n’es pas pour les pauvres gens ! Jolis sapins gonflés de sève persistante, vous allez vers les tout petits, mais non pas vers tous. Les inégalités du temps présent ont fait rêver M. Flaissières des justices à venir. Et j’ai eu, ce lisant, une vision plus nette, plus proche, des arbres de Noël promis à tous les enfants d’une société en perfectionnement. C’était làbas, là-bas, au pays des forêts, des sapins, que je voyais étendre comme des bras vivants leurs branches protectri ces. Les aiguilles luisaient, palpitaient au soleil et, dans le bleu des ombres, des centaines d’enfants ivres de liberté cou raient à la recherche des airelles mûres. Ils chantaient aussi, et je reconnais sais l’air pour l'avoir entendu, il y a...