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Le Petit Marseillais, 25 août 1894

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Le Petit Marseillais
25 août 1894


Extrait du journal

permettent cette fantaisie. Au reste, il faut bien que l’argent roule. Rappelezvous ce que disait là-dessus, si spiri tuellement, M. Waldcck-Rousseau, il n’y a pas longtemps, à propos du procès de M. Max Lebaudy. Ce qui est curieux, c’est ce goût des Américains, hommes dégagés de préjugés, s’étant fait eux-mêmes et qui, à ce qu’il semble, ne devraient rien tant estimer que l’énergie, l’audace, l’esprit d’initiative, c’est ce goût des Américains, dis-je, pour l’aristocratie, Ayant bonne opinion de leur personne, parce qu’ils se souviennent de combien d’efforts a été payée leur fortune, il paraîtrait naturel qu’ils ne plaçassent rien au-dessus du travail d’où leur vient leur autorité, et qu’ils voulussent se continuer en de gaillards de leur trempe... Mais non ! Rien n’est plus fréquent que ces mariages de filles de Crésus dÿutre-Atlantique avec les héritiers diin vieux nom, n’cussent-ils que leur titre en héritage. Ces industriels partis de rien, que leur intelligence et leur activité virile ont rendus colossale ment riches, ambitionnent d’avoir une descendance princière, dût leur sang généreux et solide se mêler à un sang appauvri, L’Amérique,qui est devenue dure aux émigrants, est le paradis des gentilshommes ruinés.Ils y font prime, et les jolies petites misses, qui doivent tout à l’usure ou à la fabrique, se les disputent. Quelle est la pensée de derrière la tète de ces Américains, en cédant au caprice de leurs filles, en paraissant même l’encourager ? Ils sont trop hom mes de raison pour se laisser éblouir par un titre. On dirait qu’il y a, chez eux, un secret plaisir à humilier, fût-ce au prix d’une fortune, en leur faisant sentir qu’ils les tiennent bien sous leur dépendance, ceux qui ne représentent plus que la gloriole du passé. Ou, tou jours pratiques, supputent-ils la valeur au point de vue des satisfactions d’amour-propre,du nom qu’ils achètent pour leurs héritières ? Au reste, aux Etats-Unis, on n’en fait pas fi autant qu’il semblerait qu’il dût en être dans une démocratie, de toutes les vieilles distinctions, de tous les hochets européens. Il n’y a pas de décoration officielle, d’ordre national, "'aie lpc Américains se narept vo!^ uérs u insignes a piupos ue w rien. Les puritains d’autrefois seraient assez étonnés s’il leur était permis de comtemplcr leur postérité. Le goût du panache est venu aux yankees, et si, chez nous, dans les grandes solennités, leurs diplomates, au milieu des costu mes chamarrés d’or des ambassadeurs des autres puissances, se distinguent encore par leur sévère habit noir, làbas, l’uniforme n’est pas si dédaigné. On- en voit même d’assez étranges, parfois, et les milices sont le prétexte de parades militaires d’un ordre plutôt fantaisiste. Si les Américains ne sont ni comtes ni barons, ils sont volontiers, en revanche, « colonels » ou « majors ». Le nombre de majors, notamment, — titre flatteur—est toutà fait surprenant, étant donné qu’ils sont tout ce qu’il y a de plus « civil ». En ai-je connu, rien qu’à Paris, de ces majors, sans avoir 1 indiscrétion de leur demander le récit de leurs campagnes ! La grande République a bien, elle aussi, ses petits travers et ses puérili tés. Et la vérité c’est que, malgré les étiquettes diverses, le fond de la nature humaine est le même partout. Certes, ce n'est pas moi qui trouve rais mauvais qu’un prince épousât une « roturière » môme extrêmement mil lionnaire.Mais que reste-t-il auxprinces d’aujourd’hui, puisque n’ayant plus rien qui les élève véritablement audessus des autres hommes, ils ne représentent plus un principe, ils n’ont môme plus l’orgueil d’ètre au-dessus...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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