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Le Petit Marseillais, 27 février 1884

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Le Petit Marseillais
27 février 1884


Extrait du journal

tout particulier au projet de loi sur les aliénés dont est saisi le Sénat. Ce projet de loi comme on le sait a pour but de sauvegarder la liberté in dividuelle et d’empêcher des abus qui, pour n’étre pas excessivement nombreux, se sont néanmoins produits trop souvent. Or, le Sénat désirant s’entourer de toutes les lumières nécessaires a tout d’abord fait appel aux lumières de l’académie de médecine ; celle-ci a aussitôt nommé une commission spéciale chargée d’étudier la question sous toutes ses faces; la commission a poursuivi sa tâche très consciencieu sement, puis elle a choisi celui de ses membres dont le nom fait le plus autorité dans la matière, M. Blanche,et l’a chargé de rédiger un rapport sur la matière. Eli bien ! ce rapport tout en reconnaissant que la loi actuelle sur les aliénés, celle de 1834, est dé fectueuse, démontre surtout les difficultés prati ques des réformes proposées par les auteurs du nouveau projet de loi. Ainsi, depuis 1834, le certi ficat d’un seul médecin est nécessaire pour faire admettre dans un asile d’aliénés tout individu plus ou moins suspecté d’avoir perdu la raison, il est clair que le certificat de cet unique médecin est une garantie insuffisante. Sans suspecter la mora lité du corps médical en général, on doit bien ad mettre qu’un médecin peut à un moment donné signer un certificat par complaisance, ou même qu’il peut, tout en étant de bonne fo\ commettre une erreur regrettable. Mieux valent donc deux certificats qu’un seul, ou un seul certificat s gné par deux médecins; et si le mieux n’était trop sou vent l’ennemi du bien, nous dirions que trois si gnatures seraient encore préférables. En principe, M. le docteur Blanche est parfaite ment de cet avis ; cependant il est convaincu que dans la pratique les deux signatures n’auront guère plus de valeur qu’une seule, et d’un autre côté il craint qu’il ne soit parfois fort difficile de trouver le second médecin chargé de donner la seconde signature. 11 donne pour raison de ses craintes l’exemple des pays où les deux signatures sont exigées depuis longtemps et dans lesquels cependant il est presque aussi facile de faire pas ser pour fou et de faire enfermer quiconque est trouvé par sa familie ou par ses amis comme un gêneur dont il faut se débarrasser. Rien de plus simple, en effet : dans ces pays il s’est formé une classe de médecins dont la fonc tion consiste à donner cette seconde signature, sur remise d’honoraires, et sans autre peine que de signer un certificat déjà signé par un confrère. Ce n’est en somme qu’une question d'argent. Il s’agit d’être assez riche pour corrompre le pre mier médecin et pour payer la signature du second qui, lui, ne s’inquiète pas de l’état de la personne que l’on veut faire enfermer, du moment qu’un premier confrère l’a déjà déclarée, à tort ou à rai son, en état de démence. C’est d’ailleurs un peu ce qui a lieu pour les actes notariés, quoique avec des conséquences bien moins graves. La loi exige que les notaires soient toujours deux à instrumenter; excellente garantie en principe, mais garantie bien illusoire dans la pratique, puisque le second notaire n’est jamais présent à la besogne du premier et que son rôle se borne à apposer sa signature au bas de l’acte préparé et paraphé par son confrère. En outre, dans beaucoup de localités il n’y a qu’un médecin. Où faudra-t-il courir pour aller chercher le second ? — Et, en attendant d’avoir trouvé ce dernier, de l’avoir conduit sur les lieux, de lui avoir fait examiner le malade, que faudrat-il faire de celui-ci si le cas est urgent, si on est en présence d’un fou furieux ? — Si les parents ou amis du malade sont des gens riches, il leur sera sans doute aisé de se procurer le second médecin exigé par la loi, mais si ce sont de pauvres diables comment paieront-ils les honoraires de ce méde...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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