Extrait du journal

XV — (Suite) Vingt fois, durant ce long voyage, ces pen sées revinrent l’assiéger : il se voyait en pré■ sence de sa mère, discutant avec elle, ferme devant ses reproches, inébranlable devant ses objurgations. Puis, il repartait pour son poste, triomphant, avec le consentement ar raché de haute lutte, laissant sa mère fâchée et affligée, mais sûr enfin de son bonheur, auquel elle finirait un jour par s’associer elle aussi, quând le temps aurait guéri la bles sure faite à son orgueil. Et il accélérait la marche de son cheval. Et la route fuyait, fuyait toujours. Une dernière étape à franchir : voici au fond de la plaine, la pagode antique qu’il re connaît bien, qui inspirait à son enfance une terreur mystérieuse. Dans le fouillis de mai sons qui sortent peu à peu de la brume, il re connaît bientôt celle où il est né, où sa mère l’attend maintenant, pour décider du bonheur ou du malheur de sa vie. A ce moment, un doute le saisit. Que va-t-il arriver? N’a-t-il pas eu tort d’espérer? Mais non ! la bataille qu’il va livrer, il la gagnera : il en est sûr. Pour le fortifier, pour le rendre invincible, ne porte-t-il pas dans son cœur le plus sûr des talismans, l’adorable image de Siao-Yu. En avant ! C’est agité par ces sentiments, c’est dans ce conflit intérieur qui, malgré sa volonté, lui inspirait une crainte secrète, que Li-Y ar riva devant la maison maternelle. Prévenue par un exprès envoyé en avant dès la veille, sa mère était là, attendant son retour. D’un bond, il descendit de cheval ; il ne sur prit pas le regard inquiet qu’elle jeta sur sa petite troupe comme si elle eût craint d’y dé;couvrirun autre visage que celui de son fils ; il ne remarqua point quelle singulière ex pression de triomphe éclaira ce regard, lors qu’elle se fut convaincue que la personne dont elle redoutait la présence, ne se trouvait pas...