Écho de presse

Années 1930 : « Femmes, restez au foyer ! »

le 25/05/2018 par Marina Bellot
le 27/06/2016 par Marina Bellot - modifié le 25/05/2018
« Mme Armand et ses six enfants », Agence Rol ; 1911 - source : Gallica-BnF

En réaction à la vague d'émancipation féminine, les mouvements chrétiens organisent les « Congrès de la mère au foyer » afin d'aider la femme à « se perfectionner dans sa mission ».

Dans la France du XIXe siècle, on estime qu'entre 4 et 7 millions de femmes gagnaient leur vie en travaillant. La guerre de 1914-1918 les a ensuite menées dans les usines tandis que les hommes étaient au front : des centaines de milliers de « munitionnettes » ont ainsi participé à l'effort de guerre.

Mais, tandis que les féministes militent pour que cette nouvelle égalité perdure, les tenants du patriarcat réclament au même moment, avec force, le retour à la « tradition ». Qu'importe : pendant les années folles, les femmes, parfois habillées en garçonnes [voir notre article], poursuivent leur mouvement d'émancipation et revendiquent l'égalité des sexes. 

La réaction ne se fait pas attendre : les mouvements chrétiens organisent, au début des années 1930, des « Congrès de la mère au foyer » destinés à inciter les femmes à retrouver le chemin du sacro-saint foyer. 

Car, martèlent en 1933 les participants venus de tous les pays européens : la situation est « lamentable ». L'Écho de Paris relaie ce constat catastrophiste : 

« En certains pays, il y a plus de femmes que d'hommes qui travaillent en usine, et les conséquences, partout, sont les mêmes : peu de naissances, un fort pourcentage de mort-nés et le désir croissant chez la jeune fille ou la jeune femme de délaisser son foyer. » 

« Les catholiques sociaux, une fois de plus, ont montré la nécessité de réintroduire l'idéal chrétien dans la société et ils ont suscité dans un grand nombre de consciences le désir de servir et de le réaliser. » 

Quatre ans plus tard, un nouveau Congrès se tient en France. Les constats et solutions simplistes sont les mêmes  la femme qui travaille est un danger pour la société, elle n'a donc d'autre choix que de rester au foyer  – et la presse n'y trouve toujours rien à redire. 

En juin 1937, L'Écho de Paris annonce

« Le Congrès cherchera de quelle manière la législation et les institutions doivent soutenir la mère dans l'accomplissement de sa tâche et comment cette mère peut se perfectionner dans l'exercice de sa mission. »

Le Journal relaie avec complaisance le programme et « l'objectivité toute scientifique » du Congrès  :

« Dans l'effort gigantesque entrepris par les nations pour équilibrer une économie de la production et de la consommation, et pour assurer à tous le moyen de vivre normalement par le travail, il importe, avant tout, de sauvegarder les valeurs spirituelles et sociales. La maternité est la première de ces valeurs.

Durant ses assises en 1937, le Congrès examinera avec une objectivité toute scientifique, la nature de la femme, ses dons spéciaux et ses particularités.

Au cours de cette première journée, les congressistes se sont rendus à l'Exposition où ils ont visité différents pavillons tels que l'habitation, l'hygiène, les centres ménagers et éducatifs, ainsi que le pavillon de la Femme et de l'Enfant. »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses femmes particperont, une nouvelle fois, à l'effort de guerre. L'occasion d'affirmer encore un peu plus leur douloureuse émancipation.