Généalogie

Un médecin dans la famille ? Reconstituez sa carrière grâce à RetroNews !

le 14/11/2022 par Tony Neulat
le 18/10/2022 par Tony Neulat - modifié le 14/11/2022

Quel gisement généalogique exceptionnel que la presse ancienne ! Que ce soit pour retrouver la trace d’un ancêtre ou savourer quelques tranches de sa vie. Et pour peu qu’il ait bénéficié d’une certaine notoriété ou ait exercé un métier exposé, c’est son parcours complet qui nous est révélé en filigrane. La preuve par l’exemple, celui d’un médecin.

Souvenez-vous le docteur René Onfray, dont nous avons découvert l’existence lors de notre précédente enquête, à travers un faire-part de fiançailles paru le 3 mai 1927 dans Le Figaro :

« Le docteur René Onfray et madame née Coulombe nous prient de faire part des fiançailles de leur fille Marie-Louise avec M. Jean Rouvière, avocat à la cour d’appel de Paris, fils de M. Joseph Rouvière, architecte, et de madame née Courtois. »

Considérons cet extrait comme le point de départ de l’enquête, et mon cher René, inversons les rôles. A notre tour de vous ausculter et de dresser votre bilan complet. Car, la curiosité aidant, les questions à votre sujet ne manquent pas. Comment êtes-vous devenu médecin ? Quelle est votre spécialité ? Où exercez-vous ? Où résidez-vous ? Êtes-vous reconnu dans votre domaine ? Bref, si j’ose dire, avez-vous bonne presse ?

Autant de questions qui nous incitent à parcourir la presse ancienne, la seule source capable d’apporter rapidement des éléments de réponse, et ce à domicile. Mais comment débuter les recherches ? Quels mots-clés renseigner dans le moteur de recherche avancée pour n’être ni trop restrictif ni trop permissif ? Comme toujours, il convient :

  • De dresser une liste a priori de combinaisons de termes à « chercher dans le paragraphe », reposant sur les associations classiques : « prénom nom » (ex : « René Onfray »), « nom profession » (ex : « Onfray médecin »), « titre nom » (ex : « docteur Onfray »), « nom époux nom épouse » (ex : « Onfray Coulombe »), « nom résidence », etc.
  • D’enrichir cette liste a posteriori à l’aide des termes rencontrés dans les premiers articles dénichés (ex : « Onfray ophtalmologie », « Onfray Semallé », « Onfray Lanchal », « Onfray Picquet », « Onfray Métairie », « Onfray Flers », etc.)

C’est ainsi, par ricochet d’article en article, chaque résultat appelant une nouvelle recherche, que l’enquête prendra de l’ampleur.

NOUVEAUTÉ - Guide de généalogie

Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques

Dans ce guide pratique, le généalogiste Tony Neulat vous donne les clés pour naviguer efficacement dans Gallica et RetroNews et partir à la découverte de vos ancêtres.

En savoir plus

L’application rigoureuse de cette méthode tient ses promesses : à la lecture des journaux de l’époque, la vie du docteur René Onfray nous apparaît progressivement, chaque nouvel article levant le voile sur un pan de sa carrière.

Le docteur Onfray est encore externe des hôpitaux de Paris lorsqu’il épouse Mlle Henriette Coulombe en juillet 1901 (d’après Le Français, Gil Blas, Le Petit bleu de Paris, Le XIXe siècle, Le Rappel ou encore La Vérité du 8 juillet 1901). Le couple s’installe vers 1904 au 6 avenue de La Motte-Picquet à Paris où il résidera plusieurs décennies (annuaires Paris-Hachette). Le Radical du 15 décembre 1905 nous informe que le docteur Onfray est nommé, après concours, comme assistant titulaire des services d’ophtalmologie de l’hôpital Enfants Malades, poste qu’il occupe jusqu’en 1911, étant qualifié ensuite « d’ex-assistant » dans l’annuaire Paris-Hachette des années 1912 et suivantes. Quant au Figaro du 27 juin 1906, il nous révèle que René Onfray, ophtalmologiste des hôpitaux, a participé à l’opération de la cataracte du roi du Cambodge !

En 1909, il publie un Manuel pratique du strabisme de 296 pages comme l’atteste la revue Montpellier médical du 18 avril 1909. Il signe en 1912 un manuel d’ophtalmologie intitulé L’œil et le praticien (Gazette hebdomadaire des sciences médicales de Bordeaux du 7 janvier 1912). Par ailleurs, il contribue en 1922 au Dictionnaire pratique de médecine et d’hygiène d’après L’Ouest-Eclair du 15 mars 1922, lequel est réédité à de multiples reprises pendant plus de dix ans. En 1923, il fait partie d’une commission nommée par la Société d’Ophtalmologie et destinée à définir les conditions exigibles concernant l’état visuel des conducteurs d’automobiles (L’Œuvre du 6 septembre 1923). La Gazette hebdomadaire des sciences médicales de Bordeaux du 9 mars 1924 livre quant à elle un renseignement précieux : le docteur René Onfray est secrétaire général de la Société française d’ophtalmologie, fonction qu’il occupe encore dix ans plus tard comme l’attestent divers journaux tels que Le Matin du 19 juillet 1932. Le 5 juin 1926, il publie une théorie intéressante dans la Presse médicale : les migraines du philosophe Pascal seraient d’origine ophtalmique ! Son analyse fait grand bruit et lui vaut une interview le 24 décembre 1928 dans Comoedia.

La Dépêche du 18 mai 1928 confirme le prestige dont bénéficie le docteur Onfray dans le milieu ophtalmologique : il prononce en effet un discours à la Faculté de médecine de Paris devant tous ses confrères en l’honneur du professeur Truc.

Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1928 alors qu’il est commandant du 4e corps d’artillerie, comme l’annonce Le Petit Courrier du 9 novembre 1928. Cet extrait nous révèle ce faisant que René Onfray mène une double carrière civile et militaire dans la réserve. Il est ainsi promu médecin aide-major de 2e classe de réserve en 1904 (La France militaire du 8 novembre 1904), médecin aide-major de 1re classe en 1911 (La France militaire du 7 octobre 1911), médecin-major de 2e classe (La France militaire du 6 mai 1916) puis médecin-major de 1re classe en 1923 (La France militaire du 12 août 1923).

Le Figaro du 5 octobre 1930 nous révèle que le docteur Onfray dirige le service ophtalmologique des Chemins de Fer de l’Etat. Il préconise à ce titre, en 1935, l’emploi des tables d’Ishihara qui présentent des chiffres colorés en milieu polychrome (Le Temps et La France de Bordeaux et du Sud-Ouest du 24 janvier 1935 et L’Aube du 25 janvier 1935). En 1941, il est nommé membre suppléant du tribunal départemental des pensions de Paris, 4e section d’après le Journal officiel du 6 janvier 1941. Enfin, en 1948, il figure dans la liste des médecins ophtalmologistes experts pour la région parisienne (Journal officiel du 24 mars 1948).

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À la lecture de ces nombreux extraits de journaux et d’annuaires, une certitude se dégage : celle de la notoriété et de la notabilité de ce médecin :

  • Dès 1912, il est indiqué comme résidant occasionnellement au château de Lanchal, situé dans la commune de Semallé (61).
  • Il apparaît au niveau des adresses mondaines de Paris-Hachette.
  • Ses va-et-vient de Paris à Semallé (61) sont pistés dans L’Echo de Paris au début du XXe siècle puis dans la rubrique « Déplacement et villégiatures des abonnés » du Figaro de 1932 à 1936, consacrée aux notables.
  • Il opère diverses personnalités telles que le roi du Cambodge.
  • Il est l’auteur de plusieurs ouvrages loués par la critique.
  • De nombreux articles font montre du crédit dont il jouit.  N’est-il pas « un de nos médecins ophtalmologistes les plus réputés » d’après le Journal des débats politiques et littéraires du 4 juillet 1926 ?

Mais quel homme se cache derrière le notable et le thérapeute ?

Plusieurs extraits de journaux permettent de cerner le personnage.

C’est tout d’abord un fervent catholique. Les faire-part de naissance témoignent en effet de la fertilité de sa famille dans la presse :

  • « Le docteur et Mme René Onfray sont heureux d’annoncer la naissance de leur dixième enfant, Jean-Claude. » (L’Echo de Paris du 21 juillet 1921).
  • L’Intransigeant du 25 août 1951 « annonce la naissance de Xavier Remon-Beauvais, Bruno Onfray, Emmanuel Onfray, trente-troisième, trente-quatrième et trente-cinquième petits-enfants du docteur René Onfray »

Sa femme se verra accorder à ce titre la médaille d’argent de la famille française comme le précise son faire-part de décès publié dans L’Aube du 11 février 1945.

En outre, ses alliances matrimoniales, son interview du 24 décembre 1928 dans Comoedia et sa protestation contre la fermeture de Lourdes dans l’Eclair du 11 novembre 1906 ne laissent planer aucun doute sur son engagement religieux. Au point de tomber dans l’extrémisme et l’antisémitisme ? Son soutien à Charles Maurras dans L’Action française du 19 février 1913 pourrait le laisser penser de prime abord. Mais ce serait sans compter sur l’erratum publié dans le même journal le 28 février 1913 : « À Charles Maurras. C’est par suite d’un malentendu que le nom du Dr Onfray a figuré parmi les signataires de l’adresse de la Polyclinique Saint-Philippe, le Dr Onfray avait donné son adhésion à celle de l’Association médicale corporative. ».

C’est, en outre, à en croire le journal – partisan – L’Humanité du 15 novembre 1924, un pingre et un mauvais patron !

De fil en aiguille, nous parvenons même à percer ses origines géographiques ainsi que, probablement, celles de sa vocation. En effet, L’Echo de Paris et Le Figaro du 16 décembre 1930 comportent une nouvelle aussi malheureuse qu’instructive :

« On annonce la mort de Mme Onfray-Métairie, veuve du docteur Onfray-Métairie, de Flers, et mère du docteur René Onfray. »

Originaire de Flers, dans l’Orne, le docteur René Onfray n’est autre que le fils d’un médecin ! Un médecin de province nettement moins réputé, il est vrai, et qui n’a pas laissé de nombreuses traces de son passage dans la presse. Au sein de RetroNews, seul L’Avenir de la Mayenne des 16 et 19 juillet 1885 en fait état, à l’occasion d’un fait divers. Un certain Onfray-Métairie, docteur dans la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, est sollicité à la suite d’un déraillement de train dans la gare de Flers. Il intervient dans la mission de sauvetage du chauffeur de train… laquelle se conclut, hélas, par l’amputation d’une de ses jambes !

Ainsi, comme l’illustre cet exemple, mais également plusieurs enquêtes précédentes, la numérisation et l’indexation des journaux anciens offrent l’opportunité inestimable de reconstituer la carrière d’un ancêtre, notamment s’il exerçait une profession particulière : fonctionnaire, médecin, artiste, commerçant, etc. N’est-ce pas formidable ? L’occasion est trop belle, il me semble, pour la laisser passer…

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.