Généalogie

De la famille « montée à Paris » ? Retrouvez sa trace dans RetroNews !

le 09/04/2024 par Tony Neulat
le 08/04/2024 par Tony Neulat - modifié le 09/04/2024

Qui n’a pas, dans son arbre généalogique, un parent parti tenter sa chance à Paris ? Son devenir n’est pas toujours aisé à reconstituer à l’aide de recherches généalogiques classiques : concentration démographique et mobilité accrue constituent autant d’obstacles pour le pister. Heureusement, la presse ancienne, indexée et numérisée, offre de belles perspectives.

Quand un membre de sa famille disparaît de la circulation et résiste à notre traque dans les registres d’état civil et les recensements, de nombreuses questions peuvent surgir : est-il décédé jeune ? A-t-il quitté son village natal dans l’espoir d’un sort meilleur ? Dans ce cas, est-il parti dans la grande agglomération la plus proche ou a-t-il rejoint la capitale ? Retrouver sa trace peut alors s’avérer une un véritable jeu de piste. Le recours à la presse ancienne apparaît alors comme une évidence.

C’est ainsi que j’ai pu reconstituer quelques pans de la vie de Célestin Neulat. Né dans le village aveyronnais de Monteils en 1859, il émigre en région parisienne comme l’atteste son acte de mariage du 17 janvier 1891 à Levallois-Perret avec Blanche Leguillochet. Il réside alors à Levallois-Perret, au 6 place Collange et est marchand de vins. Néanmoins, après l’avoir débusqué à plus de 700 km de chez lui, je perds aussitôt sa trace. En effet, les tables décennales des naissances de Levallois-Perret de 1891 à 1902 ne consignent aucun enfant du couple. Que sont-ils devenus ? Menons l’enquête dans RetroNews.

Sortie littéraire le 4 avril 2024 !

1913. Vers la Grande Guerre

L’année 1913 est celle où le destin de l’Europe bascule vers la Grande Guerre. Dans la société française, les tensions vont croissant et la menace d’un conflit plane : c’est l’« heure difficile » décrite par Georges Clemenceau.

Acheter le livre sur le site de Tallandier

Une simple recherche sur le nom « Neulat » dans le moteur de recherche global livre 1700 résultats. C’est, somme toute, un nombre relativement faible car ce patronyme est peu répandu. A titre de comparaison, près d’un million de pages de journaux contiennent le nom de famille Moreau dans RetroNews ! Toutefois, la perspective peu réjouissante de parcourir les 1700 propositions nous incite à tenter une approche plus ciblée. Un premier réflexe – malheureux comme nous le verrons – pourrait nous pousser à saisir « Célestin Neulat » dans le moteur de recherche global. Le nombre de d’extraits de journaux correspondant à ces nouveaux critères chute : 149. Hélas, l’analyse minutieuse de chaque coupure de presse se révèle pour le moins décevante… Il y est question d’artistes lyriques, de prestidigitateur, de militaire, de voleurs de brebis, d’agent de police, de pompier incendiaire, de morts pour la France, etc. mais point de marchand de vins, exception faite d’un extrait de La Loi du 10 novembre 1899 :

« Redditions de comptes

Art. 537

Concordat par abandon d’actif

Sont invités à se rendre au tribunal de commerce salle des assemblées de créanciers, aux jours et heures indiqués ci-après, pour conformément à l’art. 537 du Code de commerce entendre le compte définitif qui sera rendu par ces syndics, le débattre, le clore, l’arrêter, leur donner décharge de leurs fonctions.

Du sieur NEULAT, marchand de vins et liqueurs, demeurant à Paris, 9, rue Logelbach ; le 16 courant à 1 heure. (N. 3983 du gr.). »

Cet article est particulièrement intéressant puisqu’il nous éclaire sur deux aspects de la vie de Célestin Neulat :

  • son adresse : 9 rue Logelbach, dans le dix-septième arrondissement de Paris ;
  • les difficultés financières de son commerce.

Il faut admettre que nous sommes particulièrement chanceux d’avoir déniché un passage aussi instructif à l’aide d’une méthode aussi inefficace. En effet, il faut savoir que :

  • leçon n° 1 : le moteur de recherche simple renvoie toutes les pages de journaux qui contiennent les mots-clés saisis, qu’ils soient proches ou non les uns des autres. C’est par un heureux concours de circonstances que nous avons pris connaissance de cet article, du fait qu’un certain Jean Pierre Célestin Lafont soit mentionné deux colonnes plus tôt que notre sieur Neulat (dont le prénom Célestin n’est pas indiqué) ;
  • leçon n° 2 : le prénom est rarement précisé dans les journaux, hormis dans les avis de décès et le Journal officiel. Moralité : évitez le critère prénom.

Qu’à cela ne tienne, tentons notre chance avec les mots-clés « Neulat vins » au sein du moteur de recherche globale. Les 879 résultats proposés montrent les limites de la recherche simple, le terme « vins » étant trop courant. Leçon n° 3 : seule la recherche avancée (réservée aux abonnés), avec ses nombreux filtres et ses multiples combinaisons de critères, offre la possibilité de mener des recherches efficaces dans les millions de journaux de RetroNews. Il est grand temps d’y recourir.

Le moteur de recherche avancée met à disposition un grand nombre de critères inclusifs (« tous ces mots », « cette expression ») et exclusifs (« aucun de ces mots ») ainsi que divers filtres en fonction de la date de publication, du titre de journal, du lieu de publication, du type de presse, etc. Parmi ces nombreuses possibilités, mon critère préféré est indéniablement le champ « tous ces mots » qui permet non seulement de renseigner une combinaison de mots-clés à rechercher mais aussi de définir leur proximité attendue dans le journal, soit au niveau de la page, soit au niveau de la colonne de journal, soit au niveau du paragraphe. Sa mise en pratique révèle la puissance de cette fonctionnalité pour restreindre drastiquement le nombre de résultats. Ainsi, tandis que la saisie « Neulat vins » renvoyait précédemment 879 résultats, le fait de spécifier que ces termes doivent se situer dans le même paragraphe permet de réduire à 62 le nombre de vignettes proposées. Or, 33 concernent effectivement notre cher Célestin.

Nous découvrons alors, dans L’Auvergnat de Paris du 31 mai 1891, que Célestin acquiert son fonds de commerce en vins, sis au 9 rue Logelbach, d’un certain M. Comte. Il réside alors au 85 rue Gide à Levallois-Perret :

Ce journal, en ligne dans RetroNews de 1882 à 1953, représente une manne d’informations inestimable pour mieux connaître le devenir des provinciaux originaires de l’Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère et le Puy-de-Dôme. En effet, ce journal « communautaire » – au même titre que de nombreux autres périodiques tels que Le Bourguignon de Paris, Le Champenois de Paris, Le Languedoc à Paris (1891), Le Méridional de Paris, Le Picard de Paris, etc. – relaie une multitude de nouvelles individuelles afin d’assurer le lien entre les familles restées « au pays » et celles qui l’ont quitté pour s’installer à Paris.

La boutique de Célestin Neulat se situe au croisement de la rue Logelbach et de la rue d’Offémont comme le révèle l’annuaire Paris-Hachette de 1899 et 1900 :

« NEULAT, vins en bout… Offémont 18 »

L’Auvergnat de Paris, en date du 16 avril 1899, nous apprend que Célestin revend son commerce à M. Gaspard.

Et pour cause ! Une multitude de coupures de presse de 1899, parues dans La Liberté, Le Vélo, Le Siècle, Le Temps, L’Aurore, Le Soleil, Le Rappel, Le Radical, Le XIXe siècle et essentiellement dans La Loi et Le Droit, nous révèlent que Célestin Neulat a fait faillite. Elles nous permettent en outre de reconstituer toute la procédure : déclaration de faillite en mai, remise des titres de créances en juin, vérifications de ces titres en juillet, formation d’un concordat (i.e. arrangement) par abandon d’actif entre le failli et les créanciers en septembre, redditions de comptes en novembre, remise de dividendes aux créanciers en décembre.

Le 11 décembre 1899, deux jours après la fin de la procédure de faillite, Célestin Neulat, résidant 19bis rue Danton à Levallois-Perret, et sa femme procèdent à leur séparation de biens comme le révèlent les Archives commerciales de la France du 23 décembre 1899. Divorce provoqué par les difficultés financières du couple ? Que nenni, le couple reste soudé et la séparation de biens est destinée à protéger le patrimoine de l’épouse en cas de nouvelle faillite… De facto, cette mauvaise expérience ne décourage pas Célestin Neulat. L’annuaire Paris-Hachette des années 1906, 1907 et 1908 nous informe en effet qu’il détient un commerce de vins au 31 rue de Reuilly à Paris.

Comme l’illustre cette enquête, la presse ancienne regorge de données nominatives et d’éléments biographiques pour retrouver la trace d’un provincial à Paris, connaître son adresse précise et entamer par la suite des recherches dans l’état civil. Grâce aux journaux et annuaires numérisés et indexés d’une part, et au moteur de recherche avancée d’autre part, c’est tout un pan de la vie de Célestin Neulat qui nous est apparue en filigrane, au travers de son commerce. Et tout ceci, en quelques minutes, confortablement installé devant notre ordinateur. Quelle merveille pour les généalogistes !

-

Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouvez et identifiez toutes vos photos de famille, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.