La révolution de février 1848 trouve son origine dans le mécontentement provoqué par la politique conservatrice de la monarchie de Juillet. Le gouvernement provisoire de la IIe République proclame la République le 24 février (Le Siècle, 25 février 1848) et instaure le suffrage universel le 2 mars. Le principe de la souveraineté du peuple devient la clé de voûte du nouveau régime (icono 1).
Les principaux journaux quotidiens (Le Siècle, Le Constitutionnel, Le Journal des débats et La Presse) rapportent le décret du 5 mars 1848 établissant les modalités de l’élection de l’Assemblée constituante. « Direct et universel sans condition de cens », le suffrage reste exclusivement masculin. Les électeurs doivent être âgés de 21 ans et justifier d’une résidence de 6 mois dans le canton dans lequel ils votent. Sur 900 députés, 15 seront élus en Algérie et dans les colonies (Le Siècle, 7 mars 1848).
Ce mode d’exercice de la souveraineté est révolutionnaire : institué en 1792, il n’avait jamais été mis en application. Les précédents régimes privilégiaient un suffrage censitaire, fondé sur la richesse (La Presse, 6 novembre 1851). Cette décision augmente considérablement le corps électoral passant de 240 000 citoyens à 9 millions : il s’ouvre aux paysans et ouvriers. Mais cette décision consacre l’exclusion politique des femmes.
Cinq consultations électorales au suffrage universel masculin ont lieu, sans compter les élections partielles, entre 1848 et 1851 : l’élection de l’Assemblée constituante (23 avril 1848), des conseils municipaux (31 juillet 1848) et généraux (27 août et 3 septembre 1848), du président de la République (10 décembre 1848), de l’Assemblée nationale (13 mai 1849). Inédites, elles suscitent une forte mobilisation populaire (83 % de participation en avril 1848, 75 % en décembre 1848 et 68 % en mai 1849). Elles prennent la forme d’un scrutin départemental de liste à un tour. Avec la mise en place du suffrage universel et d’élections rapprochées, les journaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des idées des partis politiques et deviennent des meneurs d’opinion publique.
L’échec du mouvement insurrectionnel (15 mai 1848) et de la révolte ouvrière (23-26 juin 1848) consacre le triomphe du suffrage universel (icono 2) sur l’insurrection. Mais l’extrême-gauche se détourne de la République parlementaire modérée, prônant une démocratie directe. Le Siècle dénonce la gauche radicale et socialiste qui « semble se croire en droit de faire un appel aux armes contre les représentans (sic) qu’elle a élus et d’imposer (à la nation française) une sanglante dictature » (Le Siècle, 1er mai 1848).
Toutefois, le suffrage universel a également éloigné la République des républicains. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. Le parti de l’Ordre, monarchiste et conservateur, dominé par Thiers, remporte la victoire aux législatives de mai 1849 (cf. l'analyse de l’article du Siècle, 21 mai 1849). Le suffrage universel a rendu la République conservatrice.
S’ils se résignent au suffrage universel, les élites et les conservateurs tentent de le contrôler et d’en limiter les effets. Le parti de l’Ordre fait voter une loi restreignant le suffrage universel, le 31 mai 1850, pour éliminer « la vile multitude » selon Thiers (La Presse, 31 mai 1850), loi contestée par les républicains et les socialistes (cf. l'analyse de l’article du Journal des débats, 22 mai 1850).
En augmentant à 3 ans l’obligation de résidence (attestée par le paiement d’une taxe personnelle), cette loi prive 2,9 millions de citoyens du droit de vote (notamment les ouvriers) et diminue d’un tiers le corps civique (iconos 3, 4 et 5). La Presse de Girardin se mobilise contre la loi et mène une intense campagne de presse contre Thiers et le parti de l’Ordre (15 novembre 1851).
Louis-Napoléon III, dénonçant la politique du parti de l’Ordre, prend le pouvoir par un coup d’État le 2 décembre 1851. Alors qu’il met fin à la République, il restaure le suffrage universel masculin mais dans une forme plébiscitaire (iconos 6 et 7). Un premier plébiscite a lieu en décembre 1851 pour ratifier son coup d’État, un second en décembre 1852 pour restaurer l’Empire (Le Constitutionnel, 29 décembre 1851).
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Le Siècle apporte un éclairage sur les résultats des élections de mai 1849. Les propriétaires et les paysans redoutent les revendications de la gauche socialiste. L’électorat se tourne alors vers la droite monarchiste et conservatrice. Certes, le parti de l’Ordre obtient 53 % des voix mais les socialistes ont atteint les 35 %. Les républicains modérés que soutient Le Siècle sont balayés. Le journal prend la défense du suffrage universel et montre que son lent apprentissage auprès des citoyens rend inéluctable certaines fautes. Il en relève deux : « Vouloir changer la société ou renverser la République ». On dénonce à la fois les conservateurs (hostiles au suffrage universel et partisans de la monarchie) qui craignent les revendications égalitaristes, et la montée des candidats socialistes qui aspirent à un gouvernement révolutionnaire, dans lequel leurs opposants voient un retour de la Terreur (1793-1794).
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Le parti de l’Ordre veut restreindre le suffrage universel masculin. Les débats sont intenses à l’Assemblée. Victor Hugo s’insurge le 20 mai contre cette loi et prend la défense du suffrage universel, qui pour lui abolit le droit à l’insurrection et qui est une expression de l’égalité entre les citoyens, mais le journal décrédibilise son argumentaire jugé démagogique et socialiste.
Le Journal des débats, libéral, défend une conception élitiste du suffrage universel qui doit être exercé par des citoyens instruits et aisés, excluant les catégories ouvrières jugées révolutionnaires. « Les hommes qui ont proclamé la République le 24 février ont reconnu que le pays n’était pas mûr pour cette forme de gouvernement … le pays n’est pas mûr pour le suffrage universel ». Derrière cette allusion aux hommes du 24 février, on peut voir une allusion à Lamartine, qui soutint son instauration. Il pense que le suffrage universel doit être réformé mais s’oppose à cette loi.
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