Extrait du journal

ACADÉMIE DES SCIENCES. Comment concevoir qu'une découverte qui a fait tant de bruit il y a deux ans, ait été mise en question ces jours passés ? Un astre annoncé par le calcul, constaté par l'observation, peut-il en effet, après avoir été suivi assidûment pendant deux années, filer on beau matin et disparaître du monde des réalités? et la gloire de M. Leverrier, pour avoir acquis tout l'éclat, toute la popularité d'une gloire politique, de vait-elle en avoir aussi la fragilité ? L'opinion publique, éminemment versatile, accueille avec le même empressement la victoire et la défaite. . Quand elle s'est forgé une idole, il faut qu'elle la . renverse en toute hâte. Malheureusement on ne peut faire et défaire à volonté une planète quatre vingts fois grosse à peu près comme la terre, et qui cir cule à plusieurs centaines de millions de lieues au dessus de nos têtes ; comment donc s'y est-on pris pour faire croire que la planète de M. Leverrier n'existait pas et pour insinuer au monde qu'il avait été dupe d'une immense mystification ? On a d'abord attendu deux années afin que l'enthou siasme fût calmé et que les esprits, détournés par des événemens majeurs, eussent perdu de vue les circon stances décisives qui ont entouré la découverte de Neptune. Pendant ce laps de temps, l'astre a marché et a suivi dans le ciel un certain arc au moyen duquel les astronomes observateurs ont construit ce qu'on appelle les élémens caractéristiques de la planète, ou, pour aifisi dire, son signalement, de sorte qu'à présent on connaît non seulement son diamètre, mais on sait avec quelle vitesse elle marche dans l'espace et en combien de temps elle accomplira sa révolution ; on sait aussi quelle est sa distance moyenne au soleil. Si M. Leverrier se fût borné à dire en 1846 : Là il y aune planète, cherchez et vous la trouverez, son travail eût été bien moins beau, bien moins complet, et pourtant sa découverte eût été à jamais incontesta ble et incontestée, car cette planète s'est trouvée au point indiqué avec une précision que l'on n'a pas honte en ce moment -de rapporter au hasard. Mais M. Le verrier a fait plus, il a donné aussi lui, et par avance, le signalement de l'astre encore inconnu, son dia-...