Extrait du journal

tendrie et comme ployant sous le fardeau du bienfait. Mais, au lieu de baiser le front qui s’offrait, d’un peu loin, le gentilhomme effleura de sa longue moustache blonde les jolies peti tes mains blanches, à fossettes, qui étaient au niveau de ses lèvres. — Allez, mon enfant... Vous êtes la grâce même ! Toujours harmonieuse en vos mouve ments, toujours artiste en vos attitudes, mais jamais comédienne, jamais cabotine... Vous êtes tout ce que je regretterai de ce monde, de venu charlatanesque et grossier. — Je vous obéis, mais je reviens dans l’ins tant. —J’y compte : j’ai encore- quelque chose à .vous dire. Lorsque Lucette revint, le cigare étaitallumé. Elle fit un mouvement pour s’en emparer. Mais un regard, plein d’une indéfinissable résolution, la cloua sur place, en face du mourant, qui prononça, toujours du même ton tranquille, presque rythmé : — C’est le troisième... et dernier. Je n’irai pas jusqu’au bout : je vais être, tout à l’heure, re pris par le mal et, j’espère, étouffé... Ecoutezmoi. C’est vous que je charge de mes funérail les... L’argent est là, lout préparé, avec une note explicative, qui contient mes instructions. Les choses se feront simplement, sans faste, mais sans parcimonie. Vous appellerez un pasteur,.. Je suis né catholique, mais je n’aime guère cette religion... J’ai été élevé par des moines : vous voyez que cela m’a profité... Lucette ne put’ s’empêcher de penser qu’elle n’avait pas été tout à fait inutile, en effet, cette intervention des « bons pères », qui avait pro duit une éducation si achevée. Florent, lui, avait été élevé dans les lycées : au lieu d’avoir été façonné par cette mainmise adroite et enve loppante qui exaspère, quelquefois, mais qui assouplit à la longue et affine. il avait grandi,...