Écho de presse

L’attentat contre le roi d’Espagne à Paris

le 28/05/2018 par Michèle Pedinielli
le 05/03/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 28/05/2018
Illustration de l'attentat contre le roi d'Espagne Alphonse XIII rue de Rivoli parue dans Le Petit Journal Supplément du Dimanche, 6 juin 1905 - source : RetroNews-BnF

En 1905, Alphonse XIII échappe à Paris à un attentat attribué aux anarchistes espagnols. Quatre hommes sont arrêtés mais le lanceur de bombe, lui, demeure introuvable.

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1905, le cortège transportant le roi d’Espagne Alphonse XIII en visite à Paris et le président français Émile Loubet, est visé par un attentat.

« Le cortège allait donc assez lentement quand arrivé au coin de la rue de Rivoli et de la rue de Rohan, une explosion se produisit, assez faible, en sorte qu'on crut tout d'abord soit à la détonation d'un coup de pistolet, soit à la rupture d'un pneu d'une voiture automobile.

Cependant on perçut une lueur assez forte […].

Les chevaux de l'escorte se cabraient. On en vit quatre, du sang au poitrail, qui partaient au grand galop. C'était une bombe qu'une main inconnue venait de lancer derrière la voiture royale, et distinctement on avait vu le véhicule soulevé. »

Le cortège repart au galop, ses occupants indemnes, laissant derrière eux un cheval éventré et vingt-et-une personnes blessées par l’explosion.

Sur place, c’est la confusion. Des passants, croyant reconnaître les auteurs de l’attentat, se lancent à leur poursuite.

« À ce moment, un jeune homme ayant réussi à se dégager prit la fuite du côté de la rue de Richelieu. On le poursuivit.

Et quand on l'eut rejoint, on l'entoura en criant “À mort !” Et aussitôt on le frappa. Des agents arrivèrent, dégagèrent le jeune homme, que l'on conduisit au poste de la rue des Bons Enfants. […]

Un autre jeune homme, qui s'enfuyait, fut également poursuivi par la foule. […]

Un autre individu a été lynché par les spectateurs. Celui-là est un pauvre diable, nommé Pommelet, débardeur, qui proteste énergiquement de son innocence. Étant sans domicile, il a été, lui aussi, gardé par le commissaire jusqu'à plus ample informé. »

La police oriente tout de suite ses recherches sur la piste des anarchistes catalans. La Sûreté générale a en effet été informée d’un « complot fomenté par les anarchistes de Barcelone contre la vie d’Alphonse XIII d’Espagne ».

« En tous cas, il est certain, d'après des renseignements parvenus de Barcelone, que quatre ou cinq anarchistes militants avaient résolu de tuer Alphonse XIII, soit en Espagne, soit pendant le trajet du roi pour venir en France soit à Paris.

On connaissait les noms de ces individus et une surveillance des plus sévères était exercée par la police pour arrêter les misérables dès leur arrivée en France. »

Les « quatre ou cinq anarchistes » sont bientôt arrêtés. Il s’agit en réalité de deux Français, Charles Malato et Caussanel, d’un Anglais (Harvey) et d’un militant espagnol, Pedro Vallina. Tous sont accusés d’avoir fomenté le complot et recelé les bombes. Celui qui a jeté l’engin explosif demeure en revanche introuvable, même si la police assure que tout est mis en œuvre pour l’arrêter.

« Le cinquième “compagnon”, tant recherché, – et pour cause –, ne saurait échapper longtemps aux investigations de la police.

Son signalement, auquel est joint une photographie, a été transmis dans toutes les directions, aux gardes-frontières, aux ports d’embarquement. »

Ce cinquième homme, connu sous le nom d’Alejandro Farras, ne sera jamais retrouvé. On le soupçonne d’ailleurs d’avoir pris une fausse identité, s’appelant en réalité Aviño.

Le « procès des Quatre » s’ouvre en novembre 1905. Pendant les trois jours que durent les audiences, certains faits font de plus en plus douter de la crédibilité de l’accusation. Notamment le fait que la police espagnole, informée d’un complot contre le roi, a déjà arrêté Vallina et Harvey le 25 mai précédent – avant de les relâcher très rapidement.

On démontre par ailleurs que Malato n’avait jamais commandé de bombes et que tout ceci ressemble fort à une machination policière pour le piéger. Les charges contre Caussanel sont quant à elles abandonnées dès le deuxième jour.

En outre, des témoins de moralité, et non des moindres, se succèdent à la barre afin de défendre les accusés : Jean Jaurès lui-même, le président de la Ligue des droits de l’homme Francis de Pressensé, Aristide Briand, ainsi qu’un ancien ministre de la première République espagnole. Les avocats de la défense plaident tous l’acquittement.

« Me Izouard plaida pour Vallina. Il démontra l'incohérence de l'accusation et tira un logique argument des efforts de la police à prouver une culpabilité que rien ne pouvait démontrer.

Me Allain présenta Harvey comme un rêveur, comme un savant, comme un ennemi systématique de la propagande par le fait.

Me Albert Willm […] montra [Malato] comme tout le monde le connaît, obligeant, doux, romantique, ennemi des solutions violentes. Toute sa vie proteste contre l'acte qu'on lui impute. Toutes ses idées, tous ses rêves humanitaires sont ennemis des coups de force, quels qu'ils soient. »

L’affaire est obscure, et aucun fait précis ne prouve la culpabilité de ces hommes – mis à part le fait qu’ils soient de gauche. De fait, les quatre accusés seront acquittés à l’issue de ce procès médiatique, dans la nuit du 1er décembre 1905.