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Le discours de Tanger en 1905

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Durant le début du XXe siècle, l’affrontement entre la France et l’Allemagne à propos du Maroc conduit à la multiplication des incidents diplomatiques. Le plus fameux d’entre eux éclate en 1905 après une visite de l’empereur Guillaume II à Tanger.

Un discours sur fond de rivalité internationale

Le territoire marocain, un des derniers pays indépendants d’Afrique, est l’objet de la convoitise de plusieurs puissances coloniales comme la France l’Espagne et l’Allemagne. Le Royaume-Uni, depuis la conclusion de l’Entente cordiale en 1904, a accepté le principe d’un protectorat français sur le Maroc et donc n’est plus un acteur majeur dans ce théâtre d’action.

Voulant assurer la sécurité de la frontière algéro-marocaine, Delcassé, ministre des affaires étrangères, profite de l’émotion causée par l’assassinat d’un négociant oranais pour intervenir en concluant un accord avec le royaume chérifien. Le colonel Lyautey, ayant reçu l’ordre de « pacifier » cette frontière, n’hésite pas à pénétrer au Maroc en 1905.

Après s’être assurée la neutralité britannique, la France propose au sultan Abd al-Aziz un protectorat, envoyant des conseillers militaires et financiers afin de rétablir l’ordre dans le royaume. Conscient que l’indépendance de son royaume est en jeu, le sultan Abd al-Aziz se tourne vers l’Allemagne afin de contrecarrer les menées françaises.

Le Petit Journal. Supplément du dimanche, Paris, 3 mai 1905 - source : Gallica-BnF
Le Petit Journal. Supplément du dimanche, Paris, 4 septembre 1905 - source : Gallica-BnF

Le « coup de Tanger »

Afin de protéger les intérêts économiques allemands au Maroc menacés par un éventuel protectorat français, l’empereur Guillaume II, au nom de sa Weltpolitik, débarque à Tanger le 31 mars 1905. À la tête d’un imposant cortège, il traverse la ville à cheval pour se porter à la rencontre du sultan Abd al-Aziz. Il s’annonce prêt à faire usage des armes contre la France si l’indépendance du Maroc était mise en cause. Cette visite spectaculaire marque les esprits qui parlent alors de « coup de Tanger », Le Petit Parisien du 1er avril 1905 parle d’une « journée de dupes ».

Dans son discours, Guillaume II déclare « C’est au sultan, en qualité de souverain indépendant, que je fais ma visite, et j’espère que, sous la souveraineté du sultan, un Maroc libre sera ouvert à la concurrence pacifique de toutes les nations, sans monopole et sans exclusion ! ». Impressionné par ce discours, le sultan refuse les réformes conseillées par le consul français Lyautey. 

Dans un climat de revanchisme et de germanophobie, Maurice Rouvier, président du conseil français, préfère la voie de la négociation. Le ministre des affaires étrangères, Théophile Delcassé, fortement critiqué notamment par le journal L’Aurore , est amené à démissionner.

L'Assiette au beurre, Paris, 1er avril 1905

La conférence d’Algésiras du 16 janvier au 7 avril 1906

Le Petit Journal. Supplément du dimanche, 21 janvier 1906, Paris - source : Gallca-BnF

Afin de résoudre la crise provoquée à Tanger, une conférence internationale est organisée à Algésiras. Autour de la table des négociations, des représentants de douze pays vont discuter en présence du représentant du sultan marocain, Mohammed el Mokri.  Le président américain, Théodore Roosevelt est le médiateur de cette conférence, ce qui marque une nouvelle fois que les États-Unis s’éloignent de l’isolationnisme de la doctrine Monroe (doctrine, tirant son nom du président américaine James Monroe (1817-1825), qui condamne toute intervention européenne dans les affaires du continent américain).

La France et l’Espagne se partagent l’occupation du territoire marocain. Le nord du Maroc est sous domination espagnole, à l’exception de Tanger et de Gibraltar, tandis que le centre est colonisé par la France. Les deux puissances se voit confier la police des ports. N’obtenant qu’un droit de regard sur les affaires marocaine, cette crise diplomatique peut être considérée comme un échec pour la Weltpolitik de Guillaume II, qui entend imposer l’Allemagne comme puissance majeure et lui obtenir une “Platz an der Sonne” (Place au soleil) avec la constitution d’un empire colonial.

Théophile Delcassé (1852-1923)

Journaliste proche de Gambetta durant les premières années de la IIIe République, Théophile Delcassé se lance dans une carrière politique en 1888, étant constamment élu député de Foix de 1889 à 1919. Ministre des Colonies en 1894, il devient ministre des Affaires étrangères en 1898. Durant sept années, il est à la tête de la diplomatie française, réussissant à se rapprocher du Royaume-Uni et concluant une alliance avec la Russie. Il doit démissionner à deux reprises, en 1905 lors de la première crise marocaine et en 1915 lors de l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des puissances centrales. 

Recueil. Portraits de Théophile Delcassé - source : Gallica-BnF

Bibliographie

 

Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Perrin, 2014.


Henry Bogdan, Le Kaiser Guillaume II, dernier empereur d’Allemagne, Tallandier, 2014.


Charles Zorgbibe, Delcassé. Le grand ministre des Affaires étrangères de la IIIe République, Olbia Histoire, 2002.