Interview

« L’équipe de France est une dévoreuse d’hommes » : une histoire des Bleus

le 10/09/2020 par François da Rocha Carneiro
le 10/09/2020 par François da Rocha Carneiro - modifié le 10/09/2020

Alors que l’équipe de France vient de jouer – et de remporter – ses premiers matchs post-Covid-19, l’historien François da Rocha Carneiro revient sur la façon dont se font et se défont les carrières chez les Bleus, sujet auquel il a consacré sa thèse et un livre, paru au début de l’année.

Après avoir soutenu l’an dernier la toute première thèse d’histoire consacrée aux joueurs de l’équipe de France de football, nourrie du témoignage de certains d’entre eux, l’historien nordiste François da Rocha Carneiro vient de publier Les Bleus et la Coupe, de Kopa à Mbappé, un ouvrage consacré à quatre temps de l’épopée des Bleus. 

Le mois de sa sortie, en mars, les champions du monde en titre devaient disputer deux matchs amicaux en guise de préparation à l’Euro 2020. C’était avant que la pandémie mondiale de Covid-19 ne bouleverse les calendriers – et peut-être des carrières...

Propos recueillis par Jean-Marie Pottier.

RetroNews : À cause du report de l’Euro 2020 à 2021, on a dû attendre ces derniers jours pour revoir l’équipe de France jouer – contre la Suède et la Croatie. De telles éclipses dues à des circonstances historiques ont-elles déjà eu lieu ?

François da Rocha Carneiro : Oui ; l’équipe de France ne joue aucun match pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, et ne refoule les terrains qu’au mois de mars 1919. La Seconde Guerre mondiale perturbe également le calendrier du football, même si l’équipe de France dispute quelques matchs : un pendant la « drôle de guerre », deux en 1942 et deux autres dans les mois qui suivent la Libération. Hormis ces deux périodes, il n’est guère de moment comparable, sur ce sujet, avec ce que la crise sanitaire actuelle fait vivre au ballon rond.

Plus globalement, le récit historique nous enseigne l’importance du rythme des matchs internationaux. Les premières équipes de France, jusqu'en 1911, comptent ainsi peu de matchs à cause de la guerre des fédérations puisque la pratique du football n’est pas encore placée entre les mains d’une organisation unisport, qui ne verra le jour qu’après la Première Guerre mondiale. Charles Wilkes, une des figures majeures du football normand du début du siècle, ou Julien du Rhéart, un autre personnage clé de cette époque, comptent ainsi moins de cinq sélections chacun. 

Pour cause de blessure, de méforme ou de concurrence, il est possible que des joueurs qui auraient disputé l’Euro 2020 ne disputeront pas l’Euro 2021, et vice-versa. Existe-t-il des exemples de joueurs dont les carrières chez les Bleus ont été en partie faites ou défaites par l’Histoire ?

Ils sont bien sûr nombreux pendant les deux guerres mondiales, à l’image du roubaisien Émile Dusart, sélectionné pour la première fois en 1914 et qui meurt en 1918. Certains qui en reviennent ne sont plus « dans le coup » ou ne se sont pas entraînés correctement lorsque l'équipe reprend.

D’autres facteurs extra-sportifs peuvent aussi intervenir. La trajectoire de Mustapha Zitouni est à cet égard exemplaire. En 1958, alors qu’il est titulaire en équipe de France, il rejoint l’équipe du Front de libération nationale algérien (FLN) deux mois avant la Coupe du monde en Suède et perd alors toute possibilité de disputer un jour cette compétition. En lisant entre les lignes ce qui s’est écrit, sur le coup et puis ensuite, et ce qu’a dit son coéquipier Rachid Mekhloufi à la fin de sa vie, on comprend que cela s’est fait sous la menace, que Zitouni n'était pas opposé au combat du FLN mais qu'il n'a pas vraiment eu le choix.

Comment résumez-vous les 108 années d’histoire des Bleus, de 1904 à 2012, qui délimitent votre thèse de doctorat ?

Première réponse possible : une histoire globale ne se résume pas, elle part dans tous les sens. 

Deuxième réponse : on peut la résumer en en prélevant des éléments, en s'attardant sur quelques matchs ou quelques joueurs, ce que je fais avec mon livre Les Bleus et la Coupe, où je m'attarde sur quatre moments qui ressemblent à des épopées dans la mémoire collective.

Troisième réponse : s'il y a un seul résumé, c'est qu'une forêt se cache derrière l'arbre. Avec un peu plus de 850 sélectionnés pour environ 750 matchs durant cette période, l'équipe de France est une dévoreuse d'hommes. Elle en consacre certains et peut en freiner d'autres. Si elle veut réussir, elle est obligée de multiplier les essais sans vergogne. Elle nous raconte une certaine histoire de la France, du masculin et du sport mais aussi de la finitude de la vie : tout le monde est condamné à ne plus être sélectionné.

Avant de vous lancer dans cette thèse, vous avez travaillé sur l’histoire médiévale. Quel lien faites-vous entre les deux sujets ?

C'est peut-être une thèse d'histoire médiévale du football contemporain [sourire]. Un des points communs est la rareté de la source. Même au Moyen Âge tardif, on a quand même affaire à des lacunes, à des silences de sources, et ce silence existe aussi pour le sport : beaucoup d'associations n'ont pas gardé leurs archives, ou bien on ne sait pas où elles se trouvent...

Lors de ma soutenance, j'ai dit en plaisantant que l'homme du Moyen Âge avait un avantage sur l'homme contemporain, c'est qu'il était mort. La grande différence, c'est cela : l'entretien avec le témoin, qui fait que je me confronte directement au récit fait par un ancien joueur et déjà passé au filtre de sa mémoire, soit enjolivé, soit dramatisé. L’orientation pluridisciplinaire de ma direction de thèse, avec un historien et un sociologue, m’a considérablement aidé à maîtriser ce type de source.

Pour parler du centre d’entraînement de Clairefontaine, vous évoquez un « monastère du football ». À propos de la Coupe du monde 1982, des « anciens d’Argentine ». Peut-on étudier les Bleus comme on étudierait des religieux ou des militaires ?

Pour construire mon armature méthodologique, je suis allé voir des individus très loin du monde sportif : les maréchaux d'Empire étudiés par Natalie Petiteau, les fonctionnaires prussiens chez Marie-Bénédicte Vincent, les juifs de Lens chez Claire Zalc et Nicolas Mariot... Avec un sujet comme les joueurs de l’équipe de France, derrière son apparente thématique sportive, cela oblige à toucher à des pans très différents de la recherche, qu’il s’agisse de l’histoire sociale ou de celle des représentations, de l’histoire culturelle ou des relations internationales, de l’histoire politique ou de celle du genre.

De fait, il a fallu appuyer la réflexion sur des thèmes variés et parfois très éloignés des terrains de football autant que sur des sources auxquelles ma formation académique ne m’avait guère habitué. Les travaux de Nathalie Heinich sur l’artiste moderne ou de Philippe Artières sur son grand-oncle Paul Gény m’ont été aussi utiles que la moindre biographie de José Touré ou les commentaires de Thierry Roland.

Comment définissez-vous votre méthode historique, une « prosopographie » ?

C'est une démarche de biographie collective : je me suis intéressé aux hommes qui font l'équipe de France bien plus qu'à l'équipe de France elle-même. Mon idée était d’essayer de dessiner ce qu'est « l'homme de l'équipe de France », un peu comme on parlait de « l'homme de la Renaissance » ou de « l'homme des temps modernes » dans certains livres d’histoire. En m'intéressant également aux figures méconnues : l'équipe de France, c'est Zidane et Platini mais ce n'est pas que Zidane et Platini.

Une immense majorité de ces joueurs ont très peu joué avec les Bleus.

Un quart des internationaux n'ont qu'une sélection, plus de la moitié en ont moins de cinq. Finalement, les joueurs les plus représentatifs de l'équipe de France sont ceux qui n'ont eu qu'une seule sélection et qu'on ne reconnaît pas dans la rue. Dans la carrière d'un joueur, c’est souvent un épiphénomène, une consécration suprême mais sans lendemain.

Quelles sont les grandes étapes qui ont fait évoluer le profil de l’international ?

Pour moi, les deux grandes ruptures sont 1932 et 1973. En 1932, avec la création du championnat de France professionnel, on accepte l'idée que le football est un spectacle et que ses acteurs doivent en tirer profit au même titre que les dirigeants des clubs. En 1973, avec la charte du football professionnel, on accepte que ceux qui font ce spectacle, non seulement gagnent de l'argent mais ont un statut, une formation.

C’est l’aboutissement d’un mouvement né des contestations des années 1960-1970, le « tournant 1968-1972 » dont parle Danielle Tartakowsky, marqué par l’action de l’Union nationale des footballeurs professionnels et le travail de l’éducateur Georges Boulogne. Celui-ci a formé les entraîneurs avant même de prendre en main l’équipe de France (1969-1973) et d’être le premier Directeur technique national (1969-1982). Il est une des chevilles ouvrières de la « nouvelle société » du football qui se met alors en place.

Et l'arrêt Bosman, en 1995, qui libéralise les transferts dans toute l’Europe ?

C'est un tournant mais pas propre à l'équipe de France, ou même au monde du football : celui de la mondialisation. Une mondialisation qui est avant tout une mondialisation de proximité : si des joueurs partent en Amérique du Nord, en Chine, en Inde ou dans la péninsule arabique, l'immense majorité vont dans les pays voisins, accentuant un mouvement préalable qui existait déjà avant l'arrêt Bosman.

En lisant votre thèse, on assiste aussi au passage progressif d’un « comité de sélection » de plusieurs personnes à la figure du sélectionneur-entraîneur, notamment incarnée entre 1976 et 1984 par Michel Hidalgo, mort le 26 mars dernier.

La première personnalité à avoir pesé sur ce poste est Gaston Barreau, qui figure parmi les membres des comités de sélection, quand il n’est pas le seul sélectionneur, de la fin de sa carrière active immédiatement après la Première guerre mondiale jusqu’à sa mort en 1958.

Après la Seconde Guerre mondiale, Gabriel Hanot, ancien international et journaliste sportif très influent, est appelé à devenir sélectionneur aux côtés de son ancien partenaire, sous le titre officiel de « conseiller technique du sélectionneur ». Cependant, après de premiers résultats plutôt satisfaisants, l’équipe accumule des contre-performances pendant le printemps 1949. 

C'est Paul Nicolas, son grand rival, qui s'impose alors comme la figure du sélectionneur alors qu'il n'est que membre du « comité de sélection ». Lorsqu'il meurt, en mars 1959, on se demande ce qu'on va faire de ce poste qui a été inventé de fait et on a une succession de troubles. On maintient d’abord un comité de sélection puis on sépare les fonctions de sélectionneur et d'entraîneur, avant de les fusionner. On teste à ce poste des entraîneurs de club, des hommes en vue, Georges Boulogne ou encore un sélectionneur étranger, Stefan Kovacs.

Puis arrive un homme synthèse : Michel Hidalgo, qui incarne à la fois l’école française des entraîneurs, l’expérience du terrain en sélection, même s’il n’a joué qu’un seul match, et la confiance accordée aux joueurs, puisqu’il a présidé l’Union française des footballeurs professionnels. On a trouvé la formule et on n’en varie plus : depuis, seuls Gérard Houllier (1992-1993) et Jacques Santini (2002-2004) ont pu prendre en main la sélection sans en avoir porté le maillot comme joueur.

C’est parfois non seulement un ancien qui s’impose mais souvent aussi celui-là même à qui on confie la fonction : Henri Michel était désigné depuis longtemps comme le successeur désigné de Michel Hidalgo en 1984. Michel Platini lui succède dans des circonstances particulières, mais son aura est telle que sa nomination n’est guère contestée. Quant au palmarès de champion du monde, il participe au choix de confier la mission à Laurent Blanc puis à Didier Deschamps.

Comment s'articulent les rapports entre générations en équipe de France ?

Sur le rabat de la couverture de mon livre, nous avons mis en exergue une phrase de Marius Trésor : « Un peu ras-le-bol d’entendre toujours parler de 1958. » C'est le paradoxe : sans ses anciens, l'institution ne perdure pas et ne peut être transmise mais avec ses anciens, elle peut aussi rester enfermée dans le passé. Je plains beaucoup, par exemple, les joueurs de la période 2002-2016 qui, par les victoires de 1998 et 2018, se voient fermer le poste de sélectionneur de l'équipe de France, où il ne va pas être évident de nommer un non-champion du monde à l'avenir.

En 1982, on égale 1958 en atteignant la demi-finale de la Coupe du monde et on peut regarder vers autre chose. En 1998, c'est donc vers 1982 qu'on regarde, alors que quasiment tous les joueurs de 1958 sont encore vivants. Et en 2018, on regarde vers 1998 en organisant un match des légendes juste avant la Coupe du monde, à un moment où on s'attend encore à un parcours sans gloire. 

Il y a des chances pour qu'on regarde, dans les années qui viennent, un peu trop vers 2018 même s'il faut voir quelle sera la postérité de la victoire : elle a laissé peu de traces dans les semaines qui ont suivi, avec l’irruption trois jours après de l’affaire Benalla.

Cette succession des générations doit-elle inciter à la comparaison ? Par exemple entre la désastreuse Coupe du monde suisse de l’équipe de France en 1954, et celle des mutins de Knysna en Afrique du Sud en 2010 ?

Non. Il peut y avoir des points communs ou des réactions communes mais il ne faut pas faire d'anachronisme. Ce ne sont pas les mêmes hommes, les mêmes matchs, les mêmes enjeux, pas non plus la même réaction. Des cadres communs peuvent se répéter (onze joueurs de foot, une victoire qui peut être bien vécue, une défaite mal vécue, le comportement du groupe face à la médiatisation...) mais l'histoire n'est pas circulaire et il existe des variations à l'intérieur de chaque cadre. 

En 1954, Xercès Louis, premier joueur antillais à être sélectionné, n'est pas accusé d'être Noir. En 2010, Nicolas Anelka, lui, est « soupçonné » d'être Noir, peut-être même musulman.

On a aussi l’impression d’une focalisation très forte, presque bonapartiste, sur l’homme providentiel, qu’il s’appelle Raymond Kopa à la fin des années 1950, Michel Platini dans les années 1980 ou Zinédine Zidane au tournant des années 1990-2000...

Cette focalisation est réelle et c'est d'ailleurs le sous-titre que m'a proposé l'éditeur pour mon livre, « De Kopa à Mbappé ». Mais plus que la providence, j'y vois une volonté d'identification, d'incarnation. Chacun des quatre porte un discours qui dépasse le football : le fils d'immigré polonais sorti de la mine pour Kopa, le fils d'immigré italien mais déjà fils du football professionnalisé pour Platini, le fils d'Afrique du Nord pour Zidane et aujourd’hui le fils des banlieues pour Kylian Mbappé.

On a aussi souvent été tenté de faire de l’équipe de France un miroir de la société française, des cadres d’origine polonaise et italienne des années 1950 à la France « black blanc beur » de 1998.

Je suis très nuancé là-dessus : il est dangereux de féliciter un individu ou une équipe pour ses origines quand elle gagne, car on tend le bâton pour se faire battre quand elle perd.

Et puis, au nom de quoi l'élément « fils d'immigré » l'emporterait-il sur tous les autres éléments de la formation d'un personnage ? Cela peut être un élément mais certainement pas le seul. Est-ce que c'est le fait d'être fils de Polonais qui permet à Kopa de briller ainsi ou est-ce que c'est parce que ce fils de Polonais a joué dans la rue, dans des terrains vagues, a baigné dans l'environnement social du bassin minier où le football comptait beaucoup, avec un fort investissement des compagnies houillères ? 

Ce qui est intéressant, c'est qu'on puisse identifier la France à une équipe représentative dans un sport populaire, à des figures qui n'ont pas le nom ou le pedigree « habituel ». Mais il est à mon sens, et je le dis peut-être aussi parce que je porte mes origines portugaises par mon nom, dangereux d'aller au-delà.

Vous insistez sur un épisode aujourd'hui un peu oublié, un meeting de Jean-Marie Le Pen en 1996 où il juge « artificiel que l’on fasse venir des joueurs de l’étranger en les baptisant équipe de France » : « Pour la première fois, écrivez-vous, l’équipe de France devient un sujet du discours politique ». Vraiment pour la première fois ?

Avant, les politiques s'intéressaient à l'équipe de France comme à un lieu de rencontre de la foule, éventuellement comme à un sujet de conversation avec le citoyen. Mais ils ne parlaient pas de l'équipe de France, ils parlaient à l'occasion d'un match de l'équipe de France.

Jamais De Gaulle n'a parlé de l'équipe de France de football. Mitterrand n'en faisait pas un sujet, à part pour saluer un beau match.

Le Pen fait basculer l'équipe de France dans la politique en remettant au goût du jour un discours qui a existé de manière sanglante dans la presse d'extrême droite dans les années 1930, à propos par exemple de Gusti Jordan, Autrichien naturalisé français : celui de l'équipe de mercenaires, l'équipe de l'étranger, la non-France...

On voit aussi dans vos travaux que la perception d’un match évolue au fil du temps. C’est le cas de France-Mexique en 1930, premier match de l’histoire de la Coupe du monde, qui n’est devenu que progressivement une rencontre historique.

Le premier but de l'histoire de la Coupe du monde est marqué par le Français Lucien Laurent, un attaquant valeureux mais qui n'est pas le plus grand joueur de cette équipe de France. Jusqu'à la Coupe du monde en Italie en 1990, on ne s’est pas intéressé à lui. Et c'est seulement au moment où les derniers témoins de l'histoire de cette Coupe du monde commencent à disparaître qu'on se penche sur les origines, sur ce premier but.

À partir de là, tous les quatre ans, Lucien Laurent est interrogé par les journaux du monde entier. Un phénomène mémoriel qui a peut-être aussi à voir avec une volonté de revenir à un mythe des origines à une époque où le monde change, juste après la chute du Mur.

Deux grandes dates de l’histoire de France ont été convoquées en 1998 comme en 2018, quand la France a remporté la Coupe du monde : la prise de la Bastille et le défilé de la Libération d'août 1944…

C'est d'abord l'effet de foule qui fait cette comparaison, et comparaison n'est pas raison. Après, il y a peut-être l'envie ou le fantasme, sans doute lié à l'image qu'on se fait de notre République, d'une nation qui s'aime pour être unie et festive, surtout à des moments qui ne le sont pas spécialement.  C’est d’ailleurs ce que montrent en creux les premières images ou l’affiche du film Les Misérables de Ladj Ly.

1998 est une période de renouveau économique mais aussi de doute politique, avec une cohabitation qui va durer cinq ans. 2018, c’est la victoire d’une société française extrêmement fracturée et de la génération Bataclan : la sœur d'Antoine Griezmann était dans la salle de concert et Lassana Diarra, un des cadres de l’équipe avant 2018, a perdu sa cousine dans les attentats.

Les jeunes qui étaient dans les bars pendant la finale, et dans la rue après, sont les mêmes qui étaient place de la République le 11 janvier 2015 et étaient potentiellement au Bataclan. On aimerait voir se réaliser un fantasme d’unité par la victoire de onze hommes sur le terrain mais il ne faut jamais oublier que ce n'est qu'un tournoi sportif. Lorsque l'équipe de France gagne, elle est vue comme une certaine forme d'idéal républicain, lorsqu'elle perd, comme la honte de onze ou vingt-deux joueurs. Ce n'est pas très juste.

François da Rocha Carneiro est historien. Il est l’auteur d’une thèse en histoire contemporaine, Les joueurs de l’équipe de France de football : construction d’une élite sportive (1904‐2012), et de Les Bleus et la Coupe, de Kopa à Mbappé (Éditions du Détour, 2020).