Séquence pédagogique

Suez, un canal aussi stratégique que disputé

le par - modifié le 15/02/2024
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Loin d’être un long fleuve tranquille, le canal de Suez est l’objet de féroces rivalités entre les puissances, et au cœur d’enjeux stratégiques liés à la maîtrise d’un seuil essentiel pour les échanges à l’échelle mondiale. La presse offre des pistes passionnantes pour avoir un aperçu historique de la situation géopolitique du Moyen-Orient via l'étude de l'histoire du canal.

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Dans les programmes de l’enseignement secondaire :

Quatrième (L'Europe et le monde au XIXe siècle : Conquêtes et sociétés coloniales)

Première générale (L’Europe entre restauration et révolution, 1814-1848)

Première générale (thème « La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial - les rivalités coloniales des puissances européennes)

Première technologique (La Troisième République : un régime, un empire colonial)

Première spécialité HGGSP (thème « Analyser les dynamiques des puissances internationales » : L’empire ottoman, de l’essor au déclin) 

Terminale générale spécialité HGGSP (thème « Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution »)

Introduction

L’histoire du canal de Suez est loin d’être un long fleuve tranquille : c’est un sujet de choix pour la presse tout au long du XIXe puis du XXe siècle.

En lien avec plusieurs programmes scolaires, des articles de journaux peuvent être mobilisés pour étudier avec les élèves les rivalités entre puissances, mais aussi les enjeux stratégiques liés à la maîtrise d’un seuil essentiel pour les échanges à l’échelle mondiale. 

Une prouesse technique, aboutissement d’un projet ancien

Suez est d’abord un isthme, entre la mer Méditerranée et la mer Rouge. L'idée du creusement d'un canal est ancienne et remonte au IIe millénaire avant notre ère, comme l'attestent de nombreuses sources antiques. Rêve littéralement pharaonique et longtemps inabouti, l'idée rejaillit à partir de la campagne d'Égypte de Napoléon Bonaparte en 1898.

Document 1. Une du premier numéro du journal L’Isthme de Suez (25 juin 1856) 

Question :


Doc 1 : Quelle est l’ambition de L’Isthme de Suez, journal des Deux Mers ?

La concession pour creuser le canal dans l’isthme est accordée au Français Ferdinand de Lesseps, diplomate et entrepreneur, par le vice-roi d’Égypte Saïd Pacha. Le territoire se trouve alors sous tutelle ottomane. Long d’un peu moins de 200 kilomètres, le canal doit relier les villes de Port-Saïd au Nord et de Suez au Sud.

Document 2. Extrait du journal Le Charivari (6 novembre 1863)

Question :


Doc 2 : D'après cette page du journal Le Charivari du 6 novembre 1863, comment la question de la main d'œuvre apparaît-elle comme un enjeu central pour la compagnie de Suez ?

Le canal raccourcit considérablement les distances pour les navires qui se dirigent vers l’Océan Indien, en leur évitant de faire le tour de l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance.

Le canal est inauguré le 17 novembre 1869 après une décennie de travaux. L’empereur François-Joseph d’Autriche et l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, sont notamment présents. Le projet permet d’exalter le prestige des sciences et des techniques françaises : il est érigé en un symbole du progrès du génie civil français.

La prouesse technique que le canal de Suez représente à la fin du XIXe siècle a fait des émules : le canal interocéanique de Panama, est lui aussi creusé avec le concours de Fernand de Lesseps débute dans les années 1880.

Un canal à l’histoire agitée, qui reste stratégique à plusieurs échelles

Les premiers débats apparaissent avant même que le canal ne soit creusé : les détracteurs sont nombreux, en France comme à l’étranger.

Document 3. Extrait du journal Le Constitutionnel (22 avril 1859)

« Cependant, en dehors de l'Angleterre, on rencontre des journaux qui semblent prendre un grand plaisir à propager à l'encontre de cette œuvre grandiose tous les mauvais bruits imaginables, toutes les nouvelles controuvées. Tantôt ils représentent le vice-roi qui a donné la concession comme défavorable à l'entreprise, tantôt des ouvriers et employés de la compagnie auraient été arrêtés par ses ordres. Une fois ce sont les Bédouins qui menacent d'interrompre les travaux. Une autre fois, les matériaux envoyés en Égypte pour les travaux actuels du canal n'auraient pas été admis au débarquement. Toutes ces nouvelles sont fausses. Le vice-roi n'a point cessé un seul instant de protéger l'entreprise ; des fonctionnaires qui s'étaient mépris sur ses intentions ont été rappelé à l'ordre. L'un d'eux a été destitué. Les habitans (sic) du pays montrent les meilleures dispositions et s'offrent à prendre part aux travaux. Les matériaux ont été débarqués en franchise, et un journal egyptien, le Progresso, qui, passant à tort pour semi-officiel, accréditait toutes ces faussetés, a été invité à la circonscription. » 

Questions :


Doc 3 : A quels débats liés au projet de canal cet extrait du journal Le Constitutionnel fait-il référence ?

Géré par le Compagnie du canal de Suez, la voie navigable accroît l’intérêt stratégique et commercial de l’Égypte. Le canal est exploité par les Français, et détenu en partie par le vice-roi, qui suite à une faillite vend ses parts à la Grande-Bretagne en 1875. Cette dernière occupe l’Égypte dès 1882, et exploite sa route impériale. Le canal devient l'objet d'une gestion franco-britannique, l'Égypte perdant ses droits et ses avantages relatifs au canal.

Pendant plusieurs décennies, les Britanniques restent les principaux bénéficiaires des activités du canal, bien qu’un statut de voie internationale et une neutralité lui sont conférés en 1888 par la Convention de Constantinople. Le début du XXe siècle est celui de l’essor du nationalisme égyptien, qui voit d'un mauvais œil la mainmise européenne sur le canal. Les tensions autour du fonctionnement de la compagnie de Suez grandissent, alors que l’Égypte cherche à regagner une place dans la gestion.   

Pendant plusieurs décennies, les Britanniques restent les principaux bénéficiaires des activités du canal, bien qu’un statut de voie internationale et une neutralité lui sont conférés en 1888 par la Convention de Constantinople. Le début du XXe siècle est celui de l’essor du nationalisme égyptien, qui voit d'un mauvais œil la mainmise européenne sur le canal. Les tensions autour du fonctionnement de la compagnie de Suez grandissent, alors que l’Égypte cherche à regagner une place dans la gestion.   

Durant les guerres mondiales, le contrôle de la Méditerranée est un enjeu majeur entre les belligérants. La Grande-Bretagne demeure alors une grande puissance maritime.

Document 4. Extrait du journal Le Monde illustré du 19 octobre 1935

Question :


Doc 4 : D'après cette page du journal Le Monde illustré du 19 octobre 1935, à quels enjeux le canal de Suez est-il associé pendant la Première Guerre mondiale et dans l’entre-deux-guerres ?

Le canal n’est pas non plus un terrain neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il se trouve en état de siège, défendu contre les forces de l’Axe et notamment l’Italie. De nombreux employés italiens de la Compagnie de Suez sont alors licenciés. Bombardé dès 1940, il est l’objet d’une protection constante par les Alliés. Après la guerre, les Égyptiens revendiquent une place plus importante dans la gestion du canal.

Document 5. Extrait du journal Ce soir (17 novembre 1951)

Question :


Doc 5 : Quel est l'objet des manifestations relayées par le journal Ce soir le 17 novembre 1951 ?

Dans un contexte de guerre froide, le 26 juillet 1956, le président Nasser prononce à Alexandrie un discours annonçant la nationalisation du canal de Suez. Il décide d'utiliser le nom de Ferdinand de Lesseps comme signal donné aux commandos égyptiens pour l’occupation des installations du canal. Il revendique la propriété égyptienne du canal pour le développement de son pays, et inscrit cette décision dans une politique de non-alignement et de rejet de l’impérialisme. Il rend hommage aux milliers d'ouvriers égyptiens qui ont rendu possible le percement et exalte l'histoire ancienne de l'Égypte. Une réaction a lieu quelques mois plus tard, en octobre 1956 : une intervention militaire franco-britannique est conjuguée à l'invasion israélienne du Sinaï. La région est bombardée. La « crise de Suez » prend fin après quelques jours et se solde par une victoire diplomatique de l’Égypte, qui obtient la gestion du canal. Dans les décennies suivantes, le canal reste un espace capital pendant les conflits israélo-arabes, faisant office de frontière.

Conclusion

Étudier le percement et l’usage du canal de Suez jusqu’au XXe siècle permet aux élèves d’avoir un aperçu historique de la situation géopolitique du Moyen-Orient, et un éclairage sur l’intensification des échanges maritimes mondiaux. La réflexion peut être prolongée en géographie : le canal a été élargi en 2015, et son obstruction en mars 2021 suite à l'ensablement d'un navire a eu des répercussions mondiales. L’incident a rappelé que l’importance économique de ce seuil stratégique restait d’actualité.

Pour aller plus loin

Piquet Caroline, Histoire du canal de Suez, Paris, Perrin, 2009

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Sihem Bella est professeure d’histoire-géographie (Académie de Lille) et travaille sur Alger au XIXe siècle dans le cadre d'une thèse en histoire contemporaine (IRHiS, Université de Lille). Elle est membre de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie)

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