Écho de presse

Marie-Angélique Duchemin, première chevalière de la Légion d’honneur

le 05/01/2021 par Michèle Pedinielli
le 29/06/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 05/01/2021
Angélique Duchemin, dite la « Veuve Brûlon », carte postale, 1914 - source : Gallica-Bibliothèques de Paris

Pour s’être battue en Corse et avoir défendu le fort de Gesco puis la citadelle de Calvi en 1792, le sergent Duchemin, dite « la veuve Brûlon », devient la première femme décorée de la Légion d’honneur.

Le 15 août 1851, on remet le titre de chevalier de la Légion d’honneur au sous-lieutenant Duchemin. Prénom : Marie-Angélique.

« En tête de la liste des chevaliers de la Légion d'honneur dont les noms ont été publiés dans le Moniteur d'avant-hier, se trouve une femme, la veuve Brûlon, née en 1771, officier aux Invalides, qui, depuis cinquante-deux ans, jouit de l'estime et de la vénération de tous ses vieux compagnons de gloire. »

Née le 20 janvier 1772 à Dinan, Marie-Angélique est fille, sœur puis bientôt femme de soldat en épousant le caporal André Brûlon. Elle connaît bien les champs de bataille, puisqu’elle suit régulièrement l’armée en campagne.

« La veuve Brûlon a été fille, sœur et femme de militaires morts en activité de service à l'armée d'Italie : son père avait servi trente-huit ans sans interruption (de 1757 à 1795) ; ses deux frères ont été tués sur le champ de bataille en Italie ; son mari est mort à Ajaccio, en 1791, après sept ans de service. »

Celle que l’on appelle désormais la « veuve Brûlon » décide de s’engager dans l’armée à la mort de son mari et de son père. Elle a vingt-et-un an lorsqu’elle intègre le 42e régiment d'infanterie.

« Elle se fît aussitôt remarquer par une conduite si honorable, soit comme femme, soit comme militaire, qu'elle fut autorisée à rester au service malgré son sexe.

Elle a servi sept ans et fait sept campagnes (de 1792 à 1799) sous le nom de guerre de Liberté, dans le régiment devenu la 83e demi-brigade et depuis le 57e de ligne, en qualité de fusilier, de caporal, de caporal-fourrier et de sergent-major.

Dans plusieurs circonstances, notamment à l'attaque du fort de Gesco en Corse et au siège de Calvi, elle fit preuve d'une bravoure, d'un courage vraiment héroïque. »

Au fort de Gesco, malgré ses blessures, elle se débrouille pour trouver la poudre qui vient à manquer, permettant ainsi de conserver le fort sous les attaques des Anglais.

Les soldats qui combattent à ses côtés écrivent un certificat pour authentifier ses actes de bravoure.

« Nous soussignés caporal et soldats du détachement du 42e régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II (1794), la citoyenne Angélique-Marie-Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, caporal fourrier faisant les fonctions de sergent, nous commandait à l'affaire du fort de Gesco ;

qu'elle s'est battue avec nous avec le courage d'une héroïne ; que les rebelles corses et les Anglais ayant essayé l'assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l'arme blanche ; qu'elle a reçu un coup de sabre au bras droit, et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche ;

que, nous voyant manquer de munitions, à minuit elle partit quoique blessée, pour Calvi, à une demi-lieue, où, par le zèle et le courage d'une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes qu'elle nous amena elle-même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l'ennemi et de conserver le fort ;

et qu'enfin nous n'avons qu'à nous louer de son commandement. »

Elle est sérieusement blessée pendant la défense de Calvi, ce qui l’oblige à rendre les armes.

« Plus tard, au siège de Calvi Angélique Duchemin manœuvrait une pièce de 16 dans le bastion qu'elle défendait, lorsqu'elle reçut une blessure grave qui la contraignit à renoncer à la carrière des armes. »

Gravement blessée à l’âge de 25 ans, elle demande à intégrer l’hôtel des Invalides mais n’y sera acceptée que sept ans plus tard avec le grade de sous-lieutenant, sur la proposition du général Latour-Maubourg.

« Aujourd’hui 2 octobre 1822, le roi étant à Paris, prenant une entière confiance en la valeur, la bonne conduite et la fidélité de la dame

“Angélique-Marie-Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, Sa Majesté lui a conféré le grade honorifique de sous-lieutenant invalide, pour tenir rang à dater dudit jour 2 octobre 1822.

Mande Sa Majesté à ses officiers généraux et autres à qui il appartiendra de reconnaître la dame Duchemin, veuve Brulon, en cette qualité.” »

Elle passera toute sa vie aux Invalides, exerçant différentes responsabilités comme gérante du magasin d’habillement.

À sa mort en 1859, les journaux n’oublient pas de lui rendre hommage.

« Aujourd’hui, vendredi, à onze heures, a eu lieu en l’église Saint-Louis-des-Invalides, le service funèbre d'une femme héroïque dont la Patrie racontait récemment à ses lecteurs les exploits accomplis sous la première République et sous le premier Empire. […]

Un grand nombre d'officiers invalides, anciens compagnons d’armes de la défunte, ont accompagné ses restes à la chapelle où le clergé de la paroisse a célébré le service. Un détachement d’infanterie attendait, à l’entrée de l’hôtel, le char funèbre, qu’il a escorté jusqu'au cimetière Montparnasse, où les honneurs militaires ont été rendus à la défunte. »

Première détentrice de la Légion d’honneur, Marie-Angélique restera longtemps la seule femme à l’avoir obtenue pour faits d’armes. Elle sera rejointe plus d’un siècle plus tard par les résistantes Véra Obolensky (en 1958) et Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1997).