Séquence pédagogique

Le partage de l’Afrique et les empires coloniaux européens au XIXe siècle

le par - modifié le 15/02/2024
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Dans les dernières décennies du XIXe siècle, comment les puissances européennes se sont-elles partagé et disputé les territoires du continent africain ? Il s’agit de revenir avec les élèves sur les motifs, les modalités et les conflits autour de la colonisation européenne du continent.

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Dans les programmes de l’enseignement secondaire :

Classe de Quatrième (« L'Europe et le monde au XIXe siècle : Conquêtes et sociétés coloniales »)

Première générale (La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial)

Première technologique (La Troisième République : un régime, un empire colonial)

Première spécialité (jalon du thème « Étudier les divisions politiques du monde : les frontières », Pour se partager des territoires : la conférence de Berlin et le partage de l’Afrique)


 

Introduction 

À la fin du XIXe siècle, l’Afrique est presque entièrement colonisée par les puissances impériales du Vieux Continent. Jusque-là et depuis plusieurs siècles, la présence européenne était plus informelle et discontinue ; beaucoup de territoires avaient conservé leur indépendance. Français, Britanniques, Portugais, Espagnols, Italiens, Belges ou encore Allemands ont progressivement cherché à accroître leur influence sur le continent.


 

De l’exploration aux velléités d’appropriation

Depuis l’époque moderne, des Européens se rendent régulièrement sur les côtes africaines, notamment pour se livrer au commerce triangulaire et en droiture qui la relie à l’Europe et à l’Amérique. La traite des esclaves bat son plein durant tout le XVIIIe siècle, de part et d’autre de l’Océan Atlantique. En 1815, les possessions territoriales européennes en Afrique restent limitées : des Français sont par exemple établis à Saint-Louis et Gorée dans l’actuel Sénégal, des Espagnols dans les îles Canaries ou encore des Britanniques autour du cap de Bonne-Espérance.

« Il n'y a guère qu'un siècle que l'Afrique a commencé à prendre dans les préoccupations de l'Europe une place que les événements et le changement des idées devaient rendre de jour en jour plus considérable. Jusqu'à ce moment, en effet, la connaissance exacte de ce continent était restée limitée à celle de ses côtes. Quelques peuples, plus entreprenants que d'autres, y avaient fondé des comptoirs, quelques missionnaires avaient entrepris la conversion des peuplades indigènes, mais ni le trafic des compagnies de commerce, ni les tentatives d'évangélisation des religieux n'avaient développé un commencement de connaissance scientifique. Tout au contraire, la crédulité complaisante de ces premiers colons accueillait les récits les plus invraisemblables, et les géographes, éprouvant à leur façon l'"horreur du vide", peuplaient leurs cartes des détails et des dessins les plus fantaisistes. Il ne fallut rien moins que l'autorité de d'Anville et de sa sévère critique pour faire disparaître définitivement rivières et royaume imaginaires, animaux chimériques et monstres humains de tout genre. Toutefois, un mouvement marqué en faveur des explorations africaines ne se manifesta que quarante ans après, et l'année 1788 vit la fondation de l'"African Association". Une fois les détails de pure imagination éliminés, l'intérieur du continent restait à peu près vide, la carte demeurait muette ; ce fut cette lacune que la nouvelle société entreprit de combler, en encourageant les explorateurs, et ces derniers n'ont pas manqué de répondre à l'appel. »

Extrait de la deuxième page du journal Le Temps, 14 décembre 1890

Question :


Comment l’auteur de l’article du journal Le Temps du 14 décembre 1890 exprime-t-il le lien entre exploration et colonisation ?

 

Le XIXe siècle est celui de la fin des blancs sur la carte : de nombreuses expéditions scientifiques sont organisées, notamment le long des fleuves. Si l’exploration n’affiche pas toujours un but d’appropriation, les fins de conquête et les fins scientifiques ont pu se confondre. De plus, une translation des intérêts impériaux européens a lieu depuis l’Amérique vers l’Afrique et l’Asie, en raison de l’abolition des traites puis de l’esclavage et des indépendances américaines.

Un partage colonial du continent

Organisée en 1884-1885, la conférence de Berlin est souvent dépeinte comme une occasion durant laquelle les dirigeants européens se sont réunis pour se partager les parts d’un gâteau figurant l’Afrique. Cependant, il s’agissait davantage de fixer les conditions de l’influence européenne sur le continent, notamment pour s’assurer la liberté du commerce ou encore la liberté de la navigation sur les grands fleuves comme le Niger. La conférence affichait également des objectifs « humanitaires » comme la suppression de la traite, au nom d’une mission civilisatrice. Pour autant, entre 1880 et 1914, les empires européens se sont effectivement territorialisés : les Français dominent le Nord-Ouest du continent, alors que les Britanniques étendent leur domination notamment au Nord-Est et au Sud.

« Le gâteau à partager

C'est qu'on a fait, réellement, depuis quelques années, la découverte de l'Afrique. [...] Aujourd'hui c'est autre chose. On connaît ces pays et on les trouve splendides, riches de productions naturelles, peuplés de populations, douces, bonnes presque toutes et de peu de défense. Et l'Afrique devient un champ de conquêtes où tout me monde veut s'établir, un gâteau dont chacun veut sa part.

Au Congrès de Berlin

Déjà au Congrès de Berlin, comme les avidités et les ambitions étaient en éveil, on réglementa la façon dont devait s'opérer la "prise de possession" des terres et territoires "sans maîtres". »

Extrait du journal La Lanterne, 25 octobre 1889

Question :


De quelle manière l'Afrique et la conférence de Berlin sont-elles représentées dans cet extrait de La Lanterne de 1889 ?

« Les partages coloniaux

Nous n'avons qu'à nous féliciter d'avoir attiré avec persistance, depuis six semaines, l'attention publique sur les compensations auxquelles a droit la France dans le domaine colonial. [...] Le patriotisme français s'est révdillé, la clairvoyance nationale a reparu, en présence des partages coloniaux auxquels se livrent l'Angleterre et l'Allemagne. Au point de vue de l'équilibre et de l'avenir du monde civilisé, ces énormes morceaux que s'attribuent deux puissances en Afrique sont bien autre chose que le partage de la Pologne qui, à la fin du siècle dernier, émut si vivement et si inutielement nos pères. [...] Cette démonstration, toutefois, ne doit être qu'une préface à une action énergique et persévérante pour que les puissances européennes et notamment l'Angleterre nous reconnaissent notre large et légitime part dans le continent africain.

Le débat diplomatique semble s'être porté et se poursuivre sur le terrain que nous avions fixé: abandon par l'Angleterre du traité de commerce anglo-tunisien ; reconnaissance que le Soudan Central entre le Niger et le lac Tchad, au-dessous des cataractes de Boussah, fait partie de la sphère d'influence exclusivement française ; enfin, subsidiairement, si une nouvelle consécration est nécessaire, reconnaissance nouvelle et précise de notre protectorat à Madagascar ; mais ce dernier point paraît pouvoir être réservé, parce que notre situation privilégiée, à Madagascar, notre droit de représenter exclusivement le gouvernement hova paraissent avoir été reconnus par les puissances européennes dans des occasions antérieures, et notamment, tout dernièrement encore, au Congrès de Bruxelles pour l'abolition de l'esclavage, où la France, de l'assentiement de tous, a toujours parlé au nom de Madagascar. Une consécration nouvelle à ce sujet peut donc être superflue. [...]
Nous ne demandons pas à l'Angleterre de nous abandonner des territoires qu'elle possède. Nous réclamons, afin de n'avoir que de bons rapports ultérieurement, une délimitation nette de la zone d'influence française et d'action française en Afrique. [...] Puisque l'Angleterre a défini avec l'Allemagne la zone d'action qu'elle se réservait et celle qu'elle reconnaissait à cette dernière puissance en Afrique, nous avons droit, nous aussi, à une délimitation, à une reconnaissance de notre zone légitime d'action. »

Extrait de L'Économie français, 12 juillet 1890.

Question :


Comment l’auteur de cet article justifie-t-il la nécessité de délimiter la zone d’influence française en Afrique ?

L’Afrique, théâtre des rivalités impériales

Si plusieurs nations européennes sont concernées par la recherche de domination sur les terres africaines, ce sont surtout les empires français et britanniques, alors les plus puissants, qui se démarquent. Ils se livrent à une compétition acharnée.

L’exemple des rivalités franco-anglaises sur le Haut-Nil, extrait du journal Le Monde Illustré, 24 septembre 1890

Ces rivalités éclatent parfois en conflits comme lors de la crise de Fachoda en 1898 entre les Français et les Britanniques. D’autres puissances sont également concernées, comme au Maroc : des crises éclatent cette fois entre Français et Allemands à Tanger en 1905 et à Agadir en 1911.

Conclusion

Ainsi, l’emprise des puissances européennes a été grandissante en Afrique dans les dernières décennies du XIXe siècle. Leur domination s’est enracinée jusqu’au XXe siècle, accompagnée de l’exploitation non seulement des territoires et des ressources mais aussi des populations colonisées elles-mêmes. En territorialisant leurs empires, elles ont tracé des milliers de kilomètres de frontières. Jusqu’à aujourd’hui, en raison de leur caractère exogène, les frontières du continent africain sont souvent lues comme des constructions purement impériales, qu’il s’agisse de frontières tracées au sein d’un même empire ou entre plusieurs empires européens. Les frontières d’origine coloniales sont en effet largement majoritaires de nos jours, même si certaines sont héritées d’États pré-existants à la colonisation.

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Pour en savoir plus :

Michel Foucher, Frontières d’Afrique. Pour en finir avec un mythe, Paris, CNRS éditions, 2014

Isabelle Surun, « Les frontières africaines, une construction coloniale ? », in Jean-Pierre Rioux et Marcel Spisser (dir), La frontière. Rencontre des mémoires 2014, Paris, Canopé-CNDP, 2016

Henri Wesseling, Le partage de l’Afrique, Paris, Gallimard, 1996

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Sihem Bella est professeure d’histoire-géographie (Académie de Lille) et travaille sur Alger au XIXe siècle dans le cadre d'une thèse en histoire contemporaine (IRHiS, Université de Lille). Elle est membre de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie).

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