Séquence pédagogique

De la stigmatisation au génocide des Arméniens de l’Empire ottoman

le par - modifié le 15/02/2024
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Des persécutions et des massacres ont précédé le génocide qui a coûté la vie à une large partie des Arméniens ottomans, perpétré par le gouvernement nationaliste des Jeunes-Turcs autour de 1915 et 1916. Pour comprendre sa qualification de génocide, terme qui s’est imposé depuis dans le droit international, il convient de revenir avec les élèves sur le contexte du déclin de l’Empire ottoman. 

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Classe de Première générale (La Première Guerre mondiale : le « suicide de l’Europe » et la fin des empires européens, le génocide des Arméniens)

Classe de Terminale spécialité (Histoire et mémoire, les génocides)


 

Introduction 

En pleine Première Guerre mondiale, en 1915 et 1916, un génocide à l’encontre des Arméniens de l’Empire ottoman est perpétré par le gouvernement nationaliste des Jeunes-Turcs. Au sein d’un empire à majorité musulmane, mosaïque de peuples et de religions, les Arméniens forment une minorité chrétienne d’environ 2,5 millions de femmes et d’hommes. En perte de puissance plusieurs siècles après son apogée, la Sublime Porte cherche depuis le XIXe siècle à réfréner les volontés d’émancipation des minorités, notamment incarnées par la guerre d’indépendance des Grecs dans les années 1820.

 

Au fil du siècle, la stigmatisation et les persécutions à l’encontre des Arméniens se multiplient, notamment dans la région du Caucase, où se situe l’Arménie historique. La presse européenne et notamment française porte à la situation une attention particulière.

De la stigmatisation aux massacres

Plusieurs années avant le génocide, des points de vue opposés sont relayés dans la presse ; ils reflètent les tensions autour de la place de la minorité arménienne dans l’empire. 

« Pour la gloire de Jésus ces arméniens, sujets turcs, trahissent leur patrie […]. On peut dire que c'est par les Arméniens qu'Abdul-Hamid tue les Arméniens avec la complicité de la Russie qui profite du trouble pour s'immiscer dans les affaires politiques ottomanes. »

Extrait de la Une du journal Le Libéral ottoman, 16 mars 1901

« Les massacres arméniens de Cilicie, dont le crime incombe au COmité Union et Progrès, ont complètement désillusionné les Arméniens de Turquie et ont prouvé, une fois de plus, que les principaux des meneurs de la Turquie nouvelle étaient loin de pouvoir apprécieur les principes d'une constitution. »

Extrait de La Revue, 18 août 1910

Question :


Comment les persécutions visant les Arméniens et antérieures au génocides s'expliquent-elles, selon les auteurs des deux extraits ? Que disent ces documents des liens entre la France et l'Empire ottoman ?

 


L’extermination des Arméniens ottomans a ainsi été précédée d’épisodes de stigmatisations et de persécutions voire de massacres, notamment sous le règne du sultan Abdhülhamid II.

 

Question :


Question : Comment le sultan ottoman est-il caricaturé dans le journal L'Assiette au beurre ?

 

1909 est une année particulièrement sanglante : en Cilicie, des centaines de milliers d’Arméniens sont massacrés, dans un contexte politique particulièrement instable. Au-delà des voix invoquant la trahison de la patrie ottomane par les Arméniens et de celles qui appellent au contraire au soutien de la minorité devant les persécutions du pouvoir impérial, certains Ottomans mettent en garde contre le panturquisme du Comité Union et Progrès. C’est le cas de Mècheroutiette, une « Revue mensuelle consacrée à la Défense des Intérêts Politiques et Économiques et des Droits Égalitaires de tous les Ottomans sans distinction de race ni de religion », qui réfute par la même occasion les velléités d’indépendance des nationalités.

« Nous défendons la tradition libérale de la révolution de 1908 et les principes de l'égalité des races qui ont présidé à son élaboration. »

Extrait de Mècheroutiette, constitutionnel ottoman, 1er janvier 1914

Au moment de l’entrée dans la Première Guerre mondiale, Ottomans et Allemands sont alliés. Les territoires peuplés par les Arméniens se trouvent au cœur des combats, touchant les soldats comme les civils. Accusés d’infidélité et de collusion avec l’Empire russe, qui appartient au camp adverse, les Arméniens sont stigmatisés.

Des massacres au génocide

Malgré la rupture qu’il représente par rapport au règne du sultan d’Abdülhamid II, le mouvement des Jeunes-Turcs qui prend le pouvoir en 1908 intensifie les persécutions envers les Arméniens, au nom d’un idéal nationaliste de pureté raciale. Le comité Union et Progrès compte dans ses rangs de futurs génocidaires, comme Talaat Pacha ou Enver Pacha.

La décision d’extermination est donnée en mars 1915. Comprenant des déportations, du travail forcé, des marches dans le désert et des exécutions au sein ou dehors de camps, l’anéantissement du peuple arménien est massif et planifié. Les opposants politiques et d’autres minorités ont également été la cible de massacres.

« La presse française, anglaise et italienne s'est occupée, ces derniers jours, des abominables massacres d'Arméniens ordonnés, dirigés et exaltés par les Jeunes-Turcs avec la haute approbation, plus ou moins avouée, du gouvernement allemand. [...]  Quel a été le prétexte des dernières atrocités ? Celui de toujours : le prétendu complot arménien à Constantinople [...].

D'après la méthode inamidienne, les hommes valides étaient mis à part et envoyés à des bataillons de forçats ou tués par-ci par-là par les troupes. Les femmes, les enfants et les vieillards prenaient le chemin de l'exil, notamment du désert qui se trouve entre Aleppo et l'Euphrate. 

[...] Exécution de notables : Personne n'échappe à la lourde main de Talaat bey. Des Arméniens qui jadis coopérèrent loyalement avec les révolutionnaires turcs, ont été les premiers à tomber. Haladjian effendi, ancien ministre des travaux publics, dont nous avons reçu un jour la visite dans les bureaux de L'Humanité, fut arrêté à Constantinople, après la "découverte" du complot arménien, et, malgré ses relations avec le comité et son amitié avec Talaat bey et Djavid bey, fut envoyé en Anatolie sans que personne n'ait plus entendu parler de lui. Garo-Pasder-matjian, un révolutionnaire notoire, intime de Talaat bey ; Zhorad effendi, le populaire député de Constantinople, et d'autres personnages très connus furent aussi arrêtés, envoyés à Urfa et assassinés pendant la nuit sur la route de Diarberkr. »

 

Question :


Comment ces pages du Petit Journal et de l’Humanité datant de la fin de l’année 1915 rendent-ils compte du point de vue de la presse française sur le génocide en cours ?

 

La débâcle de l’Empire au terme de la Première Guerre mondiale entraîne sa chute. Les deux tiers des Arméniens de l’Empire ont été exterminés entre 1915 et 1916, soit environ 1,7 million d’hommes, de femmes et d’enfants. Environ 700 000 survivants prennent quant à eux le chemin de l’exil.

Conclusion

Étudier l’extermination des Arméniens avec les élèves permet d’éclairer le génocide en tant que notion de droit international. En effet, si le terme de « génocide » n’a été forgé qu’en 1944 par le juriste Raphael Lemkin au sujet des crimes nazis, il correspond bien à l’extermination intentionnelle et planifiée qui a visé les Arméniens de l’Empire ottoman. En guise de prolongement, une réflexion sur la persistance du négationnisme autour de ce génocide peut permettre d’éclairer les enjeux de sa mémoire avec les élèves.

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Pour en savoir plus :

Bozarslan Hamit, Duclert Vincent et Kévorkian Raymond, Comprendre le génocide des Arméniens de 1915 à nos jours, Paris, Tallandier, 2015

Kévorkian Raymond, Le génocide des Arméniens, Paris, Odile Jacob, 2006

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Sihem Bella est professeure d’histoire-géographie (Académie de Lille) et travaille sur Alger au XIXe siècle dans le cadre d'une thèse en histoire contemporaine (IRHiS, Université de Lille). Elle est membre de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie).

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